D’ici une dizaine d’années, des millions de véhicules autonomes circuleront sur nos routes. Mais qui va leur apprendre à conduire ? Peut-être vous, si la filiale Mobileye d’Intel atteint son objectif. Car elle compte non seulement à ce que vous payiez pour avoir ce privilège, mais elle pense aussi que vous aurez très envie de participer à l’aventure. Cette année, pour inscrire l’électronique automobile dans l’électronique grand public, Mobileye – une filiale d’Intel -et des entreprises comme Nvidia, Visteon et Toyota ont investi le CES de Las Vegas.
La technologie présentée cette semaine par Mobileye doit permettre aux véhicules équipés de systèmes avancés d'aide à la conduite (ADAS), ceux qui servent notamment à maintenir le véhicule dans sa file de circulation, à contrôler sa trajectoire et à surveiller sa vitesse, de recueillir des données utiles pour les véhicules 100 % autonomes de demain, une sorte de crowd-sourcing alimenté par les véhicules roulants. Selon Mobileye, les constructeurs automobiles BMW, VW et Nissan devraient vendre cette année des millions de voitures équipées de caméras frontales intégrant ses puces EyeQ de quatrième génération. Or ces puces pourront recueillir des informations pour établir des cartes détaillées pendant leur trajet, associer notamment des aménagements routiers avec des repères fixes comme des panneaux de signalisation et des bâtiments.
Où iront les données personnelles ?
Selon le directeur de la communication de Mobileye, Dan Galves, les puces d’Intel sont suffisamment puissantes pour compresser 300 millions de pixels par seconde de vidéo en seulement 10 kilo-octets de données cartographiques par kilomètre. Ces données condensées sont ensuite téléchargées dans la base de données cloud de Mobileye, un des composants du programme Road Experience Management (REM) de l’entreprise. Ces données seront ensuite utilisées pour entraîner et guider les futurs véhicules autonomes. Si l’on en croit Dan Galves, « les automobilistes soucieux de la protection de la vie privée n'ont pas à s'inquiéter », puisque les données sont anonymisées. Les seules informations enregistrées par Mobileye concernent la marque du véhicule, et cela uniquement en vertu des accords de partage de revenus qu'elle a conclus avec certains constructeurs.
Le fabricant de pièces d'automobile Visteon a testé sa plate-forme de véhicules autonomes DriveCore à l'American Center for Mobility le 11 décembre 2017. (Crédit D.R.)
La puce EyeQ4 de Mobileye est suffisamment puissante pour les véhicules autonomes dits de niveau 2 et 3, des véhicules avec conduite et freinage assisté ou pouvant assurer la conduite sous contrôle humain. L’entreprise estime qu’une dizaine de constructeurs automobiles proposeront des véhicules avec sa puce cette année ou l'année prochaine. Elle pense aussi que de nombreux constructeurs automobiles adopteront sa prochaine puce EyeQ5. Selon Dan Galves, deux puces EyeQ5 et un processeur Intel Atom seront suffisants pour faire rouler un véhicule autonome de niveau 4 ou 5, c’est à dire sans supervision humaine. « Combinés ensemble, ces systèmes peuvent traiter environ 50 téra-opérations par seconde à un coût moindre et en consommant moins d'énergie que les architectures concurrentes qui ont encore besoin de traiter plusieurs centaines de téra-opérations pour fournir les mêmes résultats », a-t-il affirmé. Lors du CES, le constructeur automobile chinois SAIC a également déclaré qu’il travaillait avec Mobileye pour développer des véhicules autonomes de niveaux 3, 4 et 5. SAIC déploiera aussi le système de collecte de données REM en Chine, en collaboration avec la société de cartographie locale NavInfo.
Le front anti-Intel s'organise
Mais les fabricants de processeurs et d'appareils électroniques ne comptent pas laisser Intel s’emparer de ce marché sans rien faire. Depuis le milieu de l'année dernière, le fabricant de pièces automobiles Visteon a commencé à développer sa propre plateforme de véhicules autonomes appelée DriveCore et le CES lui permet de montrer ses premiers résultats. Le Toyota Research Institute a aussi profité du salon pour lancer son dernier véhicule autonome. Sa « Plate-forme 3.0 », construite sur une Lexus LS 600hL, comprend un système de capteurs à 360 degrés capables de « voir » à 200 mètres, comme l’a déclaré l’entreprise.
Également présent au salon, le concepteur Nvidia a déclaré, par la voix de son CEO Jensen Huang, qu’il préparait avec Aurora Innovation une plate-forme matérielle pour les véhicules autonomes de niveaux 4 et 5. Cette plateforme est construite autour du processeur Drive Xavier de Nvidia. « L'ID Buzz de VW, un microbus électrique que l’on devrait voir sur les routes autour de 2022, sera quant à lui doté d’un copilote intelligent construit sur le processeur Drive IX de Nvidia », a également déclaré Jensen Huang. « Uber prévoit de se doter d’une flotte de véhicules et de camions autonomes équipés de systèmes d’intelligence artificielle basés sur des puces Nvidia », a-t-il encore déclaré. Enfin, Lyft, l’entreprise de covoiturage concurrente d’Uber, a présenté cette semaine un système de véhicule autonome développé avec Aptiv (anciennement Delphi Automotive). Celle-ci compte proposer une solution de transport urbain basée sur des véhicules embarquant toutes ses technologies autonomes. Ces véhicules sont des véhicules de niveau 3, c’est à dire nécessitant la présence d’un conducteur humain, notamment pour sortir et revenir au parking. Mais à Palo Alto, Lyft développe aussi des technologies de conduite automne de niveau 5.