Les algorithmes peuvent-ils faire mieux que des investisseurs en bourse sur des stratégies comme le suivi de tend ance (ou trading de tendances) ? C'est à cette question qu'a tenté de répondre Laurent Carlier, responsable IA de BNP Paribas Global Market, au travers d'une expérimentation menée depuis un an par la banque et détaillée lors du World AI Cannes Festival (qui se tenait du 8 au 10 février). En bourse, jouer le trend consiste à s'inscrire dans la tendance, en effectuant des calculs de probabilité sur l'évolution future. Par exemple, si le marché est haussier depuis plusieurs mois, la probabilité qu'il le reste pour les jours qui viennent sont élevées. Laurent Carlier s'est intéressé au potentiel de l'IA pour optimiser ces stratégies de trend trading. En entrée, les modèles de Machine Learning peuvent évidemment être alimentés avec les séries temporelles de la cote des indices boursiers. « Mais ces données renferment un tel niveau de bruit que vous ne pouvez pas faire confiance à un modèle entraîné sur ce seul corpus », indique le responsable IA de la banque, qui souligne la nécessité d'y injecter de la connaissance métier.
La bonne stratégie pour maximiser le ROI
Entraîné sur 30 années de données - d'abord sur une période de 10 ans puis par injection graduelle d'une année supplémentaire à chaque étape -, le réseau de neurones construit par les équipes de BNP Paribas Global Market doit non seulement prédire la tendance, mais également le retour sur investissement. « Nous sommes même allés un cran plus loin, en demandant au modèle d'optimiser la stratégie d'investissement pour maximiser ce retour », indique Laurent Carlier.
S'il n'a pas détaillé les choix techniques opérés par ses équipes pour bâtir l'assistant trader, Laurent Carlier en a exposé les résultats. Sur l'ensemble des années où le modèle a été jaugé, la stratégie basée sur l'IA surpasse les performances des quatre benchmarks auxquels elle a été comparée. Sauf en 2022 et surtout 2023. Deux années où la corrélation entre marché boursier et marché obligataire était positive, une exception dans l'histoire, souligne Laurent Carlier. Un contexte spécifique qui a poussé le modèle en territoire inconnu et qui en souligne également les limites.
Remplacer les stratégies basées sur des règles
Même si le modèle n'est pas totalement une boîte noire - ses prédictions étant le résultat de l'analyse de 42 dimensions qui peuvent être comparées individuellement à l'historique correspondant -, il doit donc être manipulé « avec précaution », selon Laurent Carlier. Ce dernier souligne notamment le risque de surapprentissage (autrement dit, un modèle correspondant trop précisément aux données d'entraînement), le besoin pour les équipes de Data Science d'échanger avec le métier au quotidien ou encore la nécessité d'améliorer l'explicabilité des modèles. « Mais il existe bel et bien une opportunité pour remplacer les stratégies actuelles basées sur des règles par des techniques basées sur le Machine Learning, tranche Laurent Carlier. Cette approche permet de prendre en compte davantage d'informations et de relations complexes entre les différents éléments. »
Rappelons que le groupe BNP Paribas, toutes activités confondues, vise 1000 cas d'usage de l'IA en production en 2025 (contre 750 actuellement), dans quatre grands champs d'utilisation : la génération de revenus (via, par exemple, l'automatisation du trading ou la personnalisation des campagnes marketing), l'expérience client (chatbot, analyse des appels entrants), l'efficacité opérationnelle (traitement de documents renfermant des données non structurées) et la gestion du risque (lutte contre le blanchiment et contre la fraude aux paiements). La banque française revendique plus de 700 spécialistes du sujet en interne.