En juillet dernier, investisseurs, fonds, cabinets d'étude et bien d'autres partageaient un même constat : les investissements dans les start-ups dévissent. Et le rapport annuel d’Atomico, « State of european tech 2023 » confirme certaines tendances observées lors du premier semestre de cette année. « Les niveaux d’investissement ont chuté à l’échelle mondiale » indique le rapport en préambule, affirmant ainsi que l’Europe n’étant pas le seul en cause. De même « le volume d'investissement total prévu pour 2023 devrait représenter moins de la moitié de l'investissement observé lors de l'année record de 2021 dans toutes les régions du monde ». Cependant, malgré ce ralentissement mondial, Atomico note que l'Europe dépasse les États-Unis en matière de création d'entreprises technologiques même si la barre est aujourd’hui plus haute pour se lancer dans l'entrepreneuriat.
Signe de stabilité après la tempête, les marchés publics se sont redressés pour ramener la valeur de l'écosystème technologique européen à son plus haut niveau historique (daté à 2021), soit à 3 000 milliards de dollars. « L'écosystème européen se trouve dans une position beaucoup plus solide que lors des précédents ralentissements et a prouvé sa résilience » poursuit le rapport, ajoutant que « de plus en plus d'indicateurs révèlent les signes avant-coureurs de la reprise et confirment notre optimisme à long terme ». Concrètement, pour les entreprises, cela donne les faits suivants : le paysage des introductions en bourse a été relativement calme sans pour autant être totalement inactif. « Le troisième trimestre 2023 a vu une augmentation notable des événements de liquidité. Avant la gigantesque introduction en bourse de 55 Md$ d'ARM cette année pour tester la « réouverture » de la fenêtre d'introduction en bourse, l'Europe avait déjà été témoin de deux autres offres publiques technologiques d'un milliard de dollars cette année, y compris la cotation de 2,6 Md$ du fournisseur allemand d'infrastructure cloud IONOS Group et l'introduction en bourse malheureuse d'un milliard de dollars de la fintech britannique CAB Payments ».
Moins d’investisseurs américains, moins de « méga-tours »
Si les levées de fonds se font rares en Europe et particulièrement en France, Atomico se veut rassurant, « c'est un phénomène mondial ». Ainsi, il y a eu une réduction particulièrement constante des investissements privés mondiaux dans le secteur technologique, non seulement en Europe, mais aussi aux États-Unis, en Chine et au-delà. Toutefois, l’Europe a poursuivi sa trajectoire ascendante et est en passe d’enregistrer une hausse de 18 % par rapport à 2020. Pendant ce temps, les États-Unis, la Chine et le reste du monde sont en passe d’atteindre les chiffres de 2020 ou en dessous. Sur le vieux continent, l’évolution des flux de capitaux mondiaux a entraîné une diminution des investissements des investisseurs américains, tant au début qu’à la fin des cycles de financement. En raison de la réduction de l’activité de ces investisseurs, le rôle de ceux basés en Europe a pris encore plus d’importance au cours de l’année écoulée. Aux stades de croissance, par exemple, la part du capital total investi par les investisseurs américains est passée d'un sommet de 39 % en 2021 à seulement 25 % en 2023. Cette baisse est également notoire chez les investisseurs asiatiques, dont la part du capital total investi est passé de 11 % en 2021 à 7 % en 2023.
On retrouve moins ce problème lors des premiers tours de table des start-ups européennes, ces dernières ayant, historiquement, toujours attiré principalement des investisseurs nationaux ou panrégionaux au sein de l'écosystème européen. Les investisseurs en Europe contribuent à environ 80 % du capital total investi dans les entreprises technologiques européennes lors des premiers tours de table, une part qui est restée globalement stable au cours des cinq dernières années, précise Atomico. On note également une baisse considérable du nombre de ce qu’Atomico appelle les méga-tours, c’est-à-dire des tours de 100 M$ ou plus. « Au plus fort de 2021, il y a eu près de 200 tours de cette ampleur, dont plus de 50 d’un montant supérieur à 250 M$ ». En 2022, ce nombre a légèrement diminué pour atteindre 163 tours de 100 M$ ou plus (dont 38 supérieurs à 250 millions de dollars). Enfin, les neuf premiers mois de 2023 ont connu une baisse bien plus significative ; il y a eu 36 cycles de financement de 100 M$ ou plus, dont sept seulement ont dépassé 250 M$.
A noter par ailleurs que les valorisations reviennent à la normale face à la compression des marchés. « Les valorisations à tous les niveaux en Europe oscillent désormais autour des moyennes à long terme sur 5 et 10 ans. Ce retour vers des moyennes à plus long terme en Europe reflète ce qui se passe aux États-Unis. Il convient toutefois de noter que les valorisations médianes en Europe restent inférieures de 30 à 60 % à celles des États-Unis, à tous les stades » indique le rapport.
45 Md$ de capital investi en 2023
Le capital total investi dans l’écosystème technologique européen en 2023 est en passe d’atteindre environ 45 Md$. Ce sera une baisse de plus de la moitié (55 %) par rapport à l’année record de 2021, lorsque les volumes d’investissement ont dépassé pour la première fois le seuil des 100 M$. Cela représente également une forte baisse de 45 % par rapport au total de 82 Md$ de 2022. Cependant, ce déclin n'est pas surprenant compte tenu du double effet du retard de nombreuses entreprises en phase de stade avancé de levée de fonds, ainsi que du rythme de déploiement sensiblement plus lent de la part des investisseurs.
Bien que la baisse par rapport au sommet de 2021 soit importante, Atomico souligne que 2023 est en passe de devenir la troisième année la plus importante jamais enregistrée en termes de capital total investi, et qu'elle est en passe d'atteindre quatre fois le volume observé il y a 10 ans en 2014. « La réinitialisation des niveaux d’investissement semble refléter une correction de la trajectoire ascendante à long terme, après deux années aberrantes de surchauffe de l’activité ».
L'Europe, un vivier de talents et d'attractivité
Rayon de soleil dans ce rapport quelque peu sombre, « la technologie continue d’attirer les talents » et l’Europe particulièrement attire les talents internationaux. La technologie européenne n'a pas connu d'exode de talents. De nouveaux postes sont constamment créés et les talents extérieurs à la technologie continuent de regarder au-delà de tout risque perçu pour parier de manière significative sur le secteur technologique européen. Si une très légère baisse globale de l’effectif total a été observée au troisième trimestre 2023, Atomico admet qu’« il est remarquable qu’en seulement cinq ans, le secteur technologique européen a porté son effectif d'un peu plus d'un million d'employés à plus de 2,3 millions aujourd'hui ». De même, « l’Europe est un bénéficiaire net des flux de talents, attirant de nouveaux venus du monde entier ». En clair, nous gagnons plus de talents internationaux que nous n’en perdons. Enfin, il convient de noter que davantage de talents quittent les États-Unis pour travailler dans la technologie européenne que de talents européens ne le font pour rejoindre la scène technologique américaine.