« 70% des entreprises du CAC40 ont désormais un réseau social d'entreprise [RSE] » s'est réjoui Arnaud Rayrole, directeur général du cabinet Lecko. Il s'exprimait lors de la présentation de la cinquième étude annuelle de ce cabinet sur le sujet. La croissance du nombre d'installations est évidente avec une progression sur un an de 170% du nombre d'installations (en partant de pas grand-chose il est vrai). Mais Arnaud Rayrole a reconnu : « l'équipement des entreprises s'accroit pour éviter que les salariés n'utilisent des outils publics ».

Il est vrai que la dispersion de données confidentielles de l'entreprise sur Facebook n'est pas du meilleur effet. Les entreprises s'équipent par conséquent sur un mode défensif, pour que les salariés puissent partager des données et collaborer avec des outils modernes sans fragilisation de la sécurité périmétrique. Il n'est pas bien sûr que la hiérarchie comprenne toujours très bien de quoi il s'agit.

L'effet Colomb


L'idée d'optimiser la collaboration débouche en fait surtout sur de nouvelles méthodes de travail. Arnaud Rayrole a baptisé ce phénomène « l'effet Colomb ». Comme Christophe Colomb qui cherchait une route pour les Indes et a trouvé beaucoup mieux, les entreprises découvrent des usages aux RSE qui n'étaient pas prévus. Selon Lecko, le ROI d'un RSE dépend beaucoup, y compris dans son mode de calcul, du contexte métier.

Si toutes les entreprises sont aujourd'hui conscientes qu'un outil n'est rien sans usage, la maturité n'est pas encore au rendez-vous pour les RSE. Même si les entreprises évoluent et laissent de plus en plus d'autonomie aux salariés sur la gestion de leur profil propre, un RSE est souvent un assemblage d'outils hétéroclites et peu intégrés.

Trois stades de maturités ont été définis par Lecko : d'abord le RSE « espace de diffusion » puis le RSE « communautés » et enfin le RSE « réseau ». Le premier stade est celui d'une GED améliorée, le deuxième d'un forum pour des communautés de pratique pré-existantes, le troisième seul caractérise « l'entreprise 2.0 ». Dans une « entreprise 2.0 », le but est de trouver la bonne personne pouvant apporter la bonne réponse à une problématique imprévue, en dehors de toutes considérations hiérarchiques ou de groupe pré-constitué.

La situation actuelle est le plus souvent de communiquer par e-mail et de disposer d'un workflow documentaire, c'est à dire le stade 1 ou le stade 2 de maturité. Il y a quelques cas, comme Atos, où il existe une volonté de remplacer l'e-mail par des échanges sur des RSE. Mais ce n'est pas gagné. « Le RSE entraine une prolifération de mails de notifications » a admis Arnaud Rayrole.

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Mais le RSE bénéficie d'un « effet affordance ». Ce néologisme signifie « la capacité de l'outil à suggérer son usage aux utilisateurs ».

Des outils peu intégrés


Les outils installés sont très divers et généralement peu intégrés. Pourtant, la plupart possède des API. Mais les outils SaaS ne sont pas forcément très pertinents de ce point de vue, n'hésitant pas à ruiner toute confiance des éditeurs tiers qui pourraient développer des outils complémentaires ou liés. « Linkedin s'est ainsi largement refermé » a dénoncé Arnaud Rayrole.

La deuxième raison est que les RSE ont tendance à devenir des portails de consultation et de partage important la valeur métier d'autres outils. La seule exception est l'outil de Microsoft, Sharepoint, où tout le monde veut et peut se connecter. Mais cet outil n'est pas initialement conçu pour créer un véritable RSE mais seulement en fournir quelques fonctionnalités de base. Microsoft a d'ailleurs racheté Yammer en juin 2012 pour compléter son offre.

Une histoire de grands acteurs mondiaux


Les pure-players se font ainsi rattrapés par les grands acteurs mondiaux du logiciel ou se font racheter. Bluekiwi s'est ainsi fait racheter par la SSII Atos. Et on retrouve des produits à forte diffusion chez IBM, Oracle, Cisco... Jive reste un acteur indépendant pour l'instant.

L'essentiel du marché reste, selon Lecko, en mode SaaS. L'absence de problème de coût initial de licence et d'installation lié à ce mode d'implémentation explique la quasi-absence de produits open-source. Le marché est estimé, en France, par Lecko à 26 millions d'euros en 2012 contre 9,5 en 2011 et 6 en 2010. La taille de ce marché reste donc pour l'heure modeste.