S'il y a bien un marché qui a le vent en poupe en ce moment, c'est bien celui de l'Internet des objets. Et cela ne devrait faire que commencer : alors que l'on comptait d'après Cisco quelques 200 millions d'objets connectés dans le monde en 2000, l'équipementier réseau estime qu'il devrait y en avoir plus de 50 milliards en 2022. L'Idate est même encore plus optimiste et table sur 80 milliards d'objets connectés dans le monde en 2020. Mais il n'y a pas qu'en volume que le marché de l'Internet des objets fait tourner les compteurs. En valeur, le cabinet d'études Gartner prévoit qu'il pourrait se hisser à 1 900 milliards de dollars dans 6 ans.
Bâtiments, compteurs, voitures, capteurs pour le bien-être et le sport... Les domaines où l'Internet des objets fait une percée en répondant à une grande variété de besoins sont de plus en plus nombreux et les entreprises françaises ne veulent pas passer à côté du phénomène. Pour certaines, cela constitue un prolongement presque naturel de leur coeur de métier, à l'image de Bouygues Energie Service par exemple. Pour d'autres en revanche, elles arrivent sur le marché des objets connectés car elles l'ont identifié comme un relais de croissance potentiel à leurs activités, ou parce qu'elles doivent faire suite à un profond bouleversement de leur modèle économique dans lequel les objets connectés constituent un levier stratégique.
Des boîtiers d'assistance à la personne aux postiers hyper-connectés Â
« Nous travaillons sur des objets connectés prenant la forme de boîtiers d'assistance à l'autonomie pour les personnes en situation de dépendance pour garantir leur sécurité, prévenir les chutes à domicile, détecter des anomalies de comportement et les prémices de la maladie d'Alzheimer », a indiqué Giovanni Ungaro, en charge du projet Assistance à l'autonomie chez Legrand, lors de la table ronde big data, cloud, réseaux sociaux et sécurité des données : les composants du succès des objets connectés organisée à l'occasion de la soirée Syntec Camp qui s'est tenue le 1er juillet à Paris. En pénétrant le marché des objets connectés pour l'assistance aux personnes, Legrand déborde donc de son coeur de métier qui est la fourniture de solutions électriques pour aller sur celui des services à la personne. Un crédo porteur sur lequel La Poste s'est également engagée, dans une démarche qui apparaît toutefois plus contrainte que volontaire.
Giovanni Ungaro (directeur de l'Assistance à l'autonomie chez Legrand), Frédéric Salles (président de Matooma), Sylvie Joseph (directrice de la transformation de La Poste) et Anne Sophie Bordry (présidente du Think Tank objets connectés et intelligents) sont intervenus sur la table ronde Big Data, cloud, réseaux sociaux et sécurité des données : les composants du succès des objets connectés s'est tenue à Paris le 1er juillet 2014 à l'occasion du Syntec Camp.
« Notre modèle économique est largement remis en cause et nous avons engagé une importante transformation interne qui nous amène à transformer le rôle du facteur pour répondre aux besoins et modes de vie des gens dans un contexte où notre monopole sur la distribution du courrier n'existe plus », a expliqué Sylvie Joseph, directrice de la transformation de La Poste également présente sur la table ronde du Syntec Camp. « Nous travaillons sur la possibilité de laisser un recommandé sans la présence physique du client mais après sa validation à distance de sa réception par exemple depuis son smartphone ou encore sur la reprise de colis directement depuis sa boîte aux lettres, après que le client nous en ait avertit à distance. » Des projets rendus possible au travers du vaste chantier d'équiper les 85 000 postiers du groupe en smartphones pour échanger et capter la donnée en mettant le client au coeur du système d'information de La Poste.
A part les levées de fonds, les leviers de financement restent rares en France
Les grands comptes qui se lancent dans les objets connectés peuvent par ailleurs être amenées à s'appuyer sur l'expertise de start-ups spécialisées dans le domaine pour réussir leurs projets. Non sans parfois jouer un rôle capital dans leur (sur)vie. « En France, beaucoup de start-ups se sont fourvoyées sur la valeur de leur innovation en misant sur la technologie et non pas sur les usages et les services rendus. Je crois en l'innovation partagée entre les start-ups et les grands groupes qui ne sont pas là , comme beaucoup d'entre elles le pensent, pour piquer leurs idées et les bouffer », a lancé Giovanni Ungaro. La relation qui lie ainsi Legrand à Matooma, à l'origine de la technologie M2M intégrée aux boîtiers d'assistance de Legrand, en est ainsi une parfaite illustration. « Nous réalisons un chiffre d'affaires d'1 million d'euros aujourd'hui et en prévoyons 3 pour cette année mais nous ne sommes pas certain que nous serions encore là si Legrand ne nous avait pas fait dès le départ confiance ce qui nous a permis d'acquérir de l'expérience et obtenir une certaine notoriété auprès d'autres entreprises », a confié Frédéric Salles, président de Matooma.
Les start-ups des objets connectés tournent également en orbite autour de l'écosystème de La Poste. Notamment au travers de son fonds Xange et de ses 360 millions d'euros d'investissement dans les jeunes pousses technologiques, ou encore de son Lab Postal (programme de détection des PME innovantes) et de son incubateur Starting Poste. « Les levées de fonds dans les objets connectés devraient être plus élevées qu'ailleurs pour permettre aux start-ups d'avoir à leur disposition les infrastructures nécessaires sans penser l'avenir uniquement au travers d'un rachat », a tenu à souligner Sylvie Joseph. Des levées qui apparaissent souvent d'ailleurs comme le principal - voire le seul - levier à leur développement. « Il y a un problème de financement des start-ups en France car l'accès à certaines aides de la BPI ou prêts à taux zéro ne peuvent se faire qu'à hauteur des fonds propres, or quand il n'y en a presque pas comme bien souvent au départ, cela en bloque l'accès », a expliqué Frédéric Salles. « Ce n'est qu'après avoir réussi à boucler notre levée d'1 million d'euros que nos fonds propres ont remonté et que la BPI a pu nous financer ce qui laisser penser qu'en France, pour démarrer et pousser, il n'existe aujourd'hui aucune alternative à la levée de fonds. » Â