Les personnes qui ont répondu à la demande du gouvernement américain pour avis sur la proposition concernant les identifiants sociaux des étrangers désirant entrer aux Etats-Unis n’ont pas été timorées dans leurs réponses. Elles qualifient ce programme de « ridicule », une « mauvaise idée de bout en bout», « une dérive flagrante », « une mesure désespérée, paranoïaque et oppressive », « absurde », « épouvantable » et « non-américain ». Mais le gouvernement fédéral travaille activement sur ce projet qui concernera les personnes en provenance de pays bénéficiant du programme d’exemption de visa (Esta) aux États-Unis, à savoir la plupart des pays d’Europe, Singapour, le Chili, le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. 38 pays au total, dont la France. Les voyageurs seront donc bientôt invités à donner leurs identifiants Twitter, Facebook, Instagram, LinkedIn, Google+, et toute autre pièce d'identité sociale que vous pouvez imaginer aux autorités américaines. Techniquement, cette demande serait «facultative», mais comme il s’agit d’une exigence des autorités fédérales, les voyageurs récalcitrants pourraient être tout simplement refoulés s’ils ignorent cette requête.
Les gens qui proviennent d'un pays où un visa est nécessaire pour entrer aux USA, comme l'Inde ou la Chine, obtiennent une habilitation de sécurité lors de leur demande de visa au consulat des États-Unis. Cette proposition ne les concerne pas encore alors que les États-Unis tentent d'approfondir le contrôle de personnes en provenance de pays tels que le Royaume Uni, la France, l'Islande et l'Italie, entre autres, où les règles de voyage ne seraient pas aussi rigoureuses. Il est vrai qu’avec Schengen, il est très facile de se déplacer d’Athènes à Bruxelles par la route sans subir le moindre contrôle physique.
Un renforcement des conditions d'attribution de l'Esta
Le gouvernement « considère le programme d'exemption de visa comme plus facile à abuser, du point de vue de la sécurité, que les processus réguliers de visa parce qu'il n'y a pas d'évaluation consulaire de la demande par le Département d'État », a déclaré Ian Macdonald, un avocat d’Atlanta, spécialisé dans les questions d’immigration. Ian Macdonald doute en effet que la collecte des identifiants des réseaux sociaux contribuera à la sécurité. L'exigence est sans fondement car si ces personnes « ont quelque chose à cacher [elles] vont probablement être plus sophistiquées et utiliser des comptes cachés. Je ne vois pas d'amélioration au niveau de la sécurité » a-t-il dit.
Les débats sur cette proposition ont été clôturés lundi dernier. Près de 800 personnes ont répondu avec des commentaires comme « une grave atteinte à la vie privée », « 1984 » ou « ce ne sont pas vos affaires ». « Est-ce une proposition Donald Trump? » a écrit un répondant. Le candidat républicain avait en effet appelé à un « contrôle extrême » de l'immigration, mais sans apporter beaucoup de détails.
Une loi votée en 2015
La proposition de collecte des données sociales par l'administration suit l'adoption par le Congrès de la Loi Terrorist Travel Prevention de 2015, qui resserre certaines règles liées aux transports. Le gouvernement précise que la demande des identifiants des réseaux sociaux est faite pour répondre aux exigences de cette loi. « Une telle demande d'informations se prête à des abus potentiels et à des harcèlements de la part des agents du CBP (Customs and Border Protection) en désaccord avec les orientations politiques d'un individu, en particulier à la lumière du soutien sans précédent du candidat républicain à la présidence américaine, Donald Trump, par la National Border Patrol Council, qui représente 16 500 agents de la patrouille frontalière », a écrit Jose Magana-Salgado, l'avocat d‘un centre d’aide aux immigrants, le Legal Resource Center.
« Je pense qu'il est à craindre que des gens se voient refuser [l’entrée] pour des raisons qui ne sont pas nécessairement justifiées », a déclaré dans une interview Betsy Lawrence, directrice de liaison de l'American Immigration Lawyers Association. Quelques 30 groupes, tels que l'American Civil Liberties Association et le Comité pour la protection des journalistes, ont présenté une lettre dénonçant ce plan « très envahissant » et « inefficace ». Les questions sur les réseaux sociaux vont probablement arriver sur le formulaire ESTA (Système électronique d'autorisation de Voyage), un processus d'autorisation préalable en lieu et place d'un visa. Mais le formulaire I-94 que les voyageurs doivent remplir avant leur arrivée risque également d’accueillir une question similaire.