Dans les années qui viennent, de nombreux DSI vont réaliser qu'ils travaillent pour le directeur du marketing, et leurs services informatiques ne seront guère plus qu'un pôle technologique du département marketing. Tel est le point de vue de Larry Weber, président de la société de services marketing W2 Group, fondateur du cabinet de relations publiques Weber Group, et par ailleurs conférencier et auteur réputé. « Il restera encore toutes les tâches ennuyeuses traditionnelles de l'informatique, si bien que les DSI auront encore du travail », a expliqué Larry Weber. « Mais à long terme, je pense que le DSI aura une fonction moins importante que celle du directeur marketing, quel que soit le titre qu'on donnera plus tard à ce directeur », a-t-il ajouté. Selon lui, la principale tâche du DSI sera d'aider le directeur marketing à sélectionner les meilleurs logiciels et plates-formes d'automatisation marketing et de les intégrer avec d'autres systèmes d'entreprise.
« Virage culturel »
« Ce type de coopération sera sûrement différent du mode de fonctionnement très indépendant qui a dominé par le passé », a-t-il déclaré. « C'est un vrai changement culturel, parce que traditionnellement le département IT est physiquement loin du département marketing, le code vestimentaire des personnels est différent, et il n'y a pas de communication entre les personnels de l'IT et du marketing. Or c'est ainsi que le DSI va devoir évoluer. Il y a entre eux un conflit inhérent qui nécessitera l'arbitrage du PDG. Mais je pense que dans la plupart des cas, celui-ci se rangera du côté du marketing », a-t-il encore ajouté.
Le moteur de ce changement, c'est que la publicité traditionnelle a été remplacée par les médias sociaux, le big data et le décisionnel et que ces outils sont justement ceux que les entreprises utiliseront pour atteindre leurs clients et pour leur offrir la meilleure expérience possible. « Aujourd'hui, le département marketing est tributaire de la technologie et le directeur marketing doit demander de l'aide pour disposer du bon logiciel, sans toutefois s'impliquer dans la technologie et pour juste avoir quelque chose qui fonctionne », poursuit Larry Weber.
DSI-Directeur marketing : vers une extension des compétences
« Mais le DSI ne sera pas le seul à devoir s'adapter », a modéré le PDG de W2 Group. Selon lui, le directeur marketing va également devoir évoluer et se préparer à ce nouveau monde du marketing technologique. « Il faudra à la fois des directeurs marketing avec davantage de compétences techniques et des DSI plus avisés en matière de marketing ». Si bien que d'ici cinq ans, les deux domaines seront moins éloignés l'un de l'autre et les fonctions auront évolué vers des postes de « vice-président technologie data ou VP content », de « vice-président médias sociaux ou VP Social Media » et « vice-président expérience client ou VP customer experience » comme le suggère Larry Weber. Mais même, si comme le prédit le CEO de W2 Group, le rôle du DSI est réduit à celui de conseiller en technologie pour le département marketing, il restera encore beaucoup de « tâches ennuyeuses traditionnelles ». Cela inclut de nombreuses considérations IT, comme la sécurité et la conformité, dont les conséquences sont vitales pour l'entreprise.
DSI-Directeur marketing : un conflit inévitable
Dans cette perspective, les conflits entre le DSI et le directeur marketing sont inévitables. Par exemple, que se passera-t-il si le directeur marketing décide que l'entreprise a besoin de tel logiciel SaaS particulier et que le DSI s'y oppose catégoriquement en invoquant des conséquences très importantes au cas où les questions de sécurité ou de conformité seraient ignorées. « Il y a forcément un conflit inhérent, et c'est là que le PDG devra intervenir », a déclaré Larry Weber ajoutant : « Mais, dans la plupart des cas, je pense que celui-ci se rangera à l'avis des responsables du marketing ». Cependant, une politique qui ne tiendrait pas compte des problèmes de sécurité ou de conformité que sont tenus de résoudre le DSI peut exposer l'entreprise à de graves conséquences juridiques. L'expérience client n'en sera pas améliorée non plus si les données personnelles ne sont pas protégées de manière adéquate.
Pour cette raison, il est peu probable que les directeurs marketing soient encouragés à ignorer complètement les contraintes de la DSI. Cependant, Kathleen Schaub, vice-présidente services et conseils d'IDC, s'accorde à dire comme Larry Weber que dans la plupart des entreprises, le directeur du marketing aura plus de poids auprès du PDG que le DSI. « Le PDG doit reconnaître la relation direction marketing/DSI, mais il donnera plus de poids à la direction marketing dans la stratégie de l'entreprise », a également affirmé Kathleen Schaub.
Le budget IT en question
Un autre domaine potentiel de conflit est la question des budgets informatiques, plus précisément quel département devra payer pour les activités IT du département marketing. Certaines dépenses - comme les produits SaaS dédiés au marketing - peuvent naturellement tomber dans la catégorie des dépenses marketing, mais qu'en sera-t-il des unités de stockage et de calcul nécessaires à l'analyse des big data ? Est-ce que cela dépend de l'IT ou du marketing, et sur quel budget faudra-t-il les imputer ?
Les chiffres d'IDC montrent qu'environ deux tiers des dépenses technologiques des départements marketing sont déjà payés sur le budget marketing et non sur celui de l'IT, et celles-ci augmentent fortement chaque année. « Les dépenses pour l'automatisation du marketing ont augmenté régulièrement depuis les années 1990 pour atteindre aujourd'hui un niveau extrême », a déclaré Kathleen Schaub. Cela laisse entendre que - indépendamment du fait que les dépenses IT ont globalement augmenté - le département marketing aura à l'avenir une plus grande part du budget sous son contrôle.
Réunir les fonctions de DSI et de directeur marketing ?
En dépit de tout ce qui précède, Kathleen Schaub estime que le conflit entre la direction marketing et la DSI peut être évité de différentes manières. « Une approche consiste à essayer de s'assurer qu'il y a une relation forte entre le DSI et le directeur marketing. Certes ce n'est pas toujours possible, et il faut trouver les bonnes personnalités », a-t-elle déclaré. Mais il y a d'autres solutions, comme celle expérimentée avec succès par des entreprises comme Motorola Solutions. « La réponse est peut-être, tout simplement, de faire en sorte que le DSI et le directeur marketing soient une seule et même personne », a-t-elle préconisé.