Dans l'informatique quantique, tout repose sur un concept assez fou de superposition. Dès le départ, la première difficulté a été de réaliser l’élément physique de base, le « qubit », la brique quantique capable, à l’état atomique, de prendre plusieurs valeurs simultanément. Cette caractéristique dite de superposition est cœur du fonctionnement des ordinateurs quantiques.
Mais, le contrôle des états superposés est très difficile à réaliser, en partie à cause de ce que les physiciens appellent la décohérence, laquelle provoque la perte des effets quantiques quand on passe à l'échelle macroscopique. Mais cette semaine, les chercheurs du MIT ont annoncé qu’ils avaient mis au point une nouvelle approche en utilisant des diamants synthétiques. Ils pensent même que leur découverte permettra d’aboutir plus rapidement à un ordinateur quantique fiable et fonctionnel. L’un des défis de l'informatique quantique concerne la stabilité. Dans de nombreux domaines, cette stabilité est atteinte par contrôle rétroactif : pour maintenir l’état souhaité, les chercheurs mesurent l'état actuel et effectuent les ajustements nécessaires pour le prolonger.
Réaliser un contrôle rétroactif sans aucune mesure
Or, dans le monde quantique, cette mesure - étape incontournable du processus - détruit la superposition. Les chercheurs du MIT ont dû se débrouiller autrement : pour conserver la superposition quantique, ils ont trouvé un moyen d’effectuer le contrôle rétroactif sans aucune mesure. Leur système utilise une propriété du centre coloré NV du diamant : ce centre NV est constitué d'un atome d'azote et d'une lacune, un défaut ponctuel du diamant qui se comporte comme un atome artificiel piégé dans cette matrice. « Au lieu d'avoir un contrôleur classique pour le contrôle de mesure, nous utilisons désormais un contrôleur quantique », a expliqué Paola Cappellaro, professeure associée en sciences et techniques nucléaires, Fondation Esther et Harold Edgerton, au MIT. « Étant donné que nous avons un contrôleur quantique, il n’est plus nécessaire d’effectuer de mesure pour savoir ce qui se passe ».
Un diamant pur est une association d'atomes de carbone identiques répartis dans une structure en maille régulière. S’il manque un noyau de carbone dans la structure, on dit que le poste est vacant. Et si un atome d'azote vient occuper la place adjacente à celle de l’atome de carbone vacant dans le maillage, on appelle cela le centre de l’azote vacant (NV-center). Lorsqu'il est soumis à un fort champ magnétique - spécifiquement, en positionnant un aimant permanent au-dessus du diamant - le spin électronique du centre NV peut se situer en haut, en bas ou dans une superposition quantique des deux états. C’est là, tout son intérêt pour l'informatique quantique.
Le futur des ordinateurs quantiques s'éclaircit
Dans un premier temps, l’exposition à des ondes électromagnétiques met le spin électronique du centre NV en superposition. Puis, une décharge de rayons radioélectriques met le noyau d'azote dans l’état de spin spécifié. Une seconde dose de rayons électromagnétiques à plus faible puissance « enchevêtre » les spins des noyaux d'azote et le centre NV, pour les rendre dépendants les uns des autres. À ce moment-là, le qubit NV pourrait travailler avec d'autres qubits pour effectuer un calcul, mais les chercheurs ont ajouté d'autres expositions aux ondes électromagnétiques pour tester les erreurs.
Au final, l’approche a permis de maintenir en superposition un bit quantique NV-center environ 1000 fois plus longtemps qu’auparavant. Cela signifie aussi que la mise au point d’ordinateurs quantiques opérationnels est beaucoup plus proche que ce que les chercheurs avaient envisagé jusque-là. Un article décrivant le processus en détail a été publié la semaine dernière dans la revue Nature.