Dmitriy Anderson, DSI de Leroy Merlin et responsable du commerce électronique et de la stratégie marketplace de l'enseigne, admet que la rentabilité l'empêche de dormir, en particulier lorsqu'il s'agit de nouveaux projets comme la place de marché. Selon lui, cette marketplace, lancée il y a trois ans et comptant actuellement plus de 500 vendeurs tiers, a franchi en janvier 2024 une étape importante en atteignant le seuil de rentabilité pour la première fois. « Bien que cela soit assez impressionnant, s'assurer que ces chiffres continuent de croître et que la place de marché reste rentable peut parfois ressembler à un cauchemar », dit-il, en particulier compte tenu de l'ampleur de la concurrence dans ce domaine, avec des mastodontes comme Amazon offrant une si grande variété de produits que les détaillants plus petits et plus spécialisés ont souvent du mal à rivaliser. La convivialité de l'interface utilisateur et la capacité à mettre les partenaires en relation avec une base de clients la plus large sont donc essentielles. D'ici la fin de l'année, les places de marché B2C devraient atteindre un chiffre d'affaires de 3 500 Md$.
Au fil des ans, le secteur du commerce de détail a dû s'adapter rapidement à l'essor du commerce électronique et de l'omni-canal, explique Dmitriy Anderson. Ces évolutions du marché ont non seulement transformé le fonctionnement des entreprises de vente au détail, mais aussi ce que les clients attendent de leur expérience d'achat. Leroy Merlin travaille avec des vendeurs tiers pour offrir aux clients tous les produits qui n'étaient pas disponibles en magasin. « À titre de comparaison, Leroy Merlin en France proposait une gamme d'environ 200 000 produits. Il en propose aujourd'hui trois millions de plus », indique le DSI. Une personne qui achète une cuisine chez Leroy Merlin peut, par exemple, également accéder à une large gamme d'appareils électroménagers, de vaisselle, de couverts, de tables et de chaises provenant des différents vendeurs présents sur le site Leroy Merlin.
Le choix d'une solution sur étagère
Aidant actuellement l'entreprise à établir sa marque en Afrique du Sud, Dmitriy Anderson raconte que la mise en place de la place de marché dans ce pays a été un parcours intéressant, débuté à peu près au moment de la pandémie mondiale de Covid, en 2020. L'entreprise a logiquement procédé à des coupes budgétaires et il a été question d'interrompre le projet de marketplace en conséquence. Mais Dmitriy Anderson a défendu l'initiative, affirmant que, puisque tout le monde était contraint de passer du temps à la maison, les gens avaient enfin une occasion rêvée de réaliser leurs projets d'amélioration de l'habitat. « Les gens étaient coincés chez eux en attendant que le monde s'ouvre à nouveau, regardant la peinture écaillée et toutes les fissures dans leurs murs qu'ils s'étaient promis de réparer », explique-t-il. La prédiction du DSI s'est révélée juste. « À tel point que nos chiffres de commerce électronique ont été multipliés par 20 entre 2019 et 2020 », souligne-t-il.
Dmitriy Anderson, responsable de la stratégie marketplace de Leroy Merlin. (Photo : Leroy Merlin)
Plutôt que de créer leur propre plateforme de marketplace en interne, Leroy Merlin s'est tourné vers Mirakl, éditeur français de logiciels de commerce électronique basés sur le cloud, que Dmitriy Anderson décrit comme la Rolls des marketplaces. Mirakl a géré les éléments essentiels du projet : de l'intégration des vendeurs à la création de catalogues de produits, en passant par l'intégration de la plateforme de commerce électronique et la génération de factures. « Il nous aurait fallu des années et beaucoup de ressources pour constituer une équipe capable de créer quelque chose d'approchant. Opter pour Mirakl nous permet de capitaliser sur ce qui existait déjà », explique le responsable. En parallèle, l'équipe de Dmitriy Anderson a dû monter en compétences, et faire appel à des personnes d'autres services pour l'aider à achever le projet.
Vers une marketplace de services
La place de marché, combinée à l'offre en magasin et à l'offre de commerce électronique propre à l'enseigne, a eu un effet d'entraînement pour l'entreprise, explique le DSI. Les clients achètent aujourd'hui chez Leroy Merlin six fois plus qu'auparavant, et la taille moyenne de leur panier a également augmenté. Depuis le lancement de la marketplace en Afrique du Sud, les objectifs de vente ont ainsi été dépassés chaque année. « La première année, notre objectif était de réaliser un chiffre d'affaires d'environ 5 millions de ZAR (278 000 dollars) en valeur brute de marchandises, et nous avons atteint 12,5 millions de ZAR à la fin de l'année », explique-t-il. « En 2023, l'objectif était d'environ 80 millions de ZAR, et nous avons réalisé 100 millions de ZAR, et en 2024, nous espérons porter ce chiffre à 185 millions de ZAR. » Dans ce pays, Dmitriy Anderson prévoit de lancer également une place de marché de services.
Conçue en partenariat avec la société de services Xebia, à l'aide de l'outil de workflow Low Code d'Appian, cette offre de services se veut une plateforme pour les entrepreneurs du bâtiment et des services, en particulier les petites entreprises. « Il peut s'agir d'une baby-sitter, d'une femme de ménage ou d'un jardinier », explique Dmitriy Anderson. Et on parle aussi bien d'une petite tâche de bricolage, comme le changement d'une poignée de porte, ou de projets plus conséquents. « Nous souhaitons travailler avec des prestataires de services qui réalisent des travaux importants, comme l'installation de cuisines ou la rénovation de salles de bains, mais nous savons qu'il y a un grand vide sur le marché pour les tâches plus petites et moins complexes », ajoute le responsable de la stratégie marketplace de l'enseigne.
Ces deux places de marché - produits et services - doivent bénéficier à toutes les parties concernées : à Leroy Merlin, parce qu'elles génèrent plus de trafic et de revenus, aux vendeurs, qui bénéficient d'une plus grande visibilité et réalisent davantage de ventes, et aux clients, qui peuvent ainsi trouver tout ce dont ils ont besoin en un seul endroit.