La Cour des Comptes a consacré tout un chapitre de son rapport public annuel publié le 8 février 2012 au système d'information de l'Assistance Publique Hôpitaux de Marseille (AP-HM). Cet établissement public regroupe l'ensemble des centres hospitaliers de la ville de Marseille. Il a voulu moderniser son système d'information mais de nombreux problèmes ont été soulevés par la Cour des Comptes. 14 millions d'euros auraient été ainsi directement perdus inutilement.

La Cour est consciente des difficultés propres au secteur hospitalier et, plus généralement, de la santé, difficultés qu'elle a soulevés dès son rapport 2008. Des améliorations ont cependant été constatées au fil des années depuis, notamment avec la réorganisation de la problématique du DMP (Dossier Médical Personnel). La T2A (tarification à l'activité) a impliqué la nécessité d'un suivi particulièrement rigoureux des prestations effectuées dans les centres hospitaliers.

A Marseille, une inadéquation du système d'information entraînant une mauvaise qualité de la facturation aboutissait à des pertes de recettes de l'ordre de 15 millions d'euros par an. La refonte du système d'information reposait pour une bonne part sur le DPI (dossier patient informatisé). L'objectif était de concevoir un dossier unique, autant administratif que médical. Une consultation a été lancée en décembre 2005. Le marché public a été remporté par un consortium composé de l'éditeur spécialisé Cerner et d'IBM.

Des procédures boîteuses

Or le projet va rapidement dans le mur. Le consortium Cerner-IBM centrait son projet sur le seul dossier médical alors que l'AP-HM voulait un dossier complet à la fois médical et administratif. Le fournisseur comptait sur une réorganisation du client, inenvisageable pour celui-ci, et la fourniture d'un progiciel en l'état alors que le cahier des charges impliquait des développements spécifiques importants. Ces divergences démontrent que la gouvernance du projet était globalement déficiente. Les réponses à la Cour de l'éditeur Cerner et de la direction de l'AP-HM sont totalement irréconciliables.

Cerner, solution moins chère sur le papier, n'avait à l'époque que des références aux États-Unis, où les modalités de facturation n'ont rien à voir avec ce qui se pratique en France, en dehors d'un appel d'offres à peine remporté au CHU de Saint-Etienne. Les CHU de Reims et de Tours se sont également retrouvés en échec au niveau de la facturation en ayant également fait le choix de Cerner, comme une délégation de l'AP-HM a pu le constater à Reims.

La Cour constate que cet éditeur avait embauché un conjoint d'un agent ayant participé à l'ensemble de la consultation, soupçonnant de ce fait des irrégularités. Dans sa réponse, la direction de l'AP-HM mentionne que l'agent concerné avait effectué une déclaration d'intérêt et a donc été écarté des phases critiques. Pour sa part, Cerner nie le moindre biais dans la consultation.


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Au bout de trois ans, l'AP-HM a constaté l'échec du projet après de multiples reports. L'absence de renouvellement du système d'information continuait de poser les problèmes de facturation des prestations effectuées en plus des coûts liés directement au projet en échec (4,7 millions d'euros). Le préjudice global a été estimé par l'AP-HM à 19,6 millions d'euros mais l'établissement avait renoncé à percevoir des indemnités de retard dans la livraison du projet en échange d'un simple décalage de la livraison qui n'a, au final, jamais eu lieu.

La Cour regrette que le marché principal n'ait pas été précédé d'un marché de définition qui aurait permis de consolider le cahier des charges et d'éviter les dérives constatées. Elle fustige également le financement du projet par une subvention nationale de 9 millions d'euros alors que l'échec était patent.

Soins palliatifs sur le projet

En 2009, pour éviter un désastre complet, des solutions complémentaires ont été mises en oeuvres à côté du dossier patient, notamment pour gérer la T2A et le PMSI et ainsi assurer la facturation. D'autres pans du projet ont également fait l'objet de dérives gênantes. A la pharmacie, des outils successifs ont été mis en place pour gérer le circuit du médicament, provoquant des conflits entre les services médicaux et la pharmacie. Le coût de ces hésitations a impliqué des surcoûts de l'ordre de 1 million d'euros. Au total, le coût direct de l'échec de la refonte du système d'information de l'AP-HM a été estimé à 14 millions d'euros. A cela, il faut ajouter environ 4,5 millions d'euros de pertes de recettes liés aux dysfonctionnements de la facturation.

La direction de l'AP-HM, dans sa réponse à la Cour, a estimé que le jugement porté était particulièrement sévère. Les logiciels acquis pour gérer la T2A et le PMSI sont ainsi destinés à rester en fonction et ne peuvent pas être considérés comme des solutions d'attente.
Pour éviter à l'avenir de telles dérives preuves de manquements substantiels dans le pilotage, la Cour recommande la mise en place d'un centre d'expertise national sous l'égide d'organismes comme l'ANAP ou l'ASIP Santé. Dans sa réponse, la ministre Valérie Pécresse a déclaré étudier cette possibilité.