Les députés tentent de clarifier la définition du prêt de main d'oeuvre
La proposition de loi pour faciliter le maintien et la création d'emplois, adoptée mardi par les députés, entend poser des jalons juridiques autour de la notion de prêt de main d'oeuvre. A l'heure où les entreprises et leurs salariés sont confrontés à une crise systémique, cette pratique consistant en un prêt provisoire d'un ou de plusieurs salariés d'une société à une autre sans rupture de leur contrat de travail est présentée comme un recours contre le chômage partiel ou les licenciements.
La proposition de loi présentée par Jean-Frédéric Poisson et adoptée par 305 voix contre 146 vient modifier le Code du travail, en précisant ce mécanisme de prêt de main d'oeuvre. Il s'appuie en premier lieu sur une convention tripartite, signée entre les deux entreprises - prêteuse et emprunteuse - et le salarié, et définissant les modalités du prêt. Si le contrat de travail du salarié se trouve modifié, il devra être complété par un avenant. Enfin, le salarié peut refuser d'être prêté par son employeur sans risquer d'être sanctionné. C'est du moins la teneur de la loi votée par les députés : dans les faits, les syndicats redoutent que les salariés n'aient guère le choix et soient contraints d'accepter les décisions prises par leur employeur.
Jusqu'à présent, le prêt de main d'oeuvre était autorisé dès lors que l'entreprise prêteuse ne poursuivait pas de but lucratif, c'est-à -dire qu'elle était contrainte de facturer à la société emprunteuse un montant ne pouvant dépasser celui auquel revenait le salarié prêté. En contrevenant à ce principe, les entreprises se rendent coupables d'un délit de marchandage, à moins d'être reconnues comme des sociétés d'interim. Avec la proposition de loi de Jean-Frédéric Poisson, la notion de lucre est censée être précisée : « Il n'y a pas de but lucratif dans une opération de prêt de main d'oeuvre quand l'entreprise prêteuse n'en tire pas de bénéfice ». L'opposition a fustigé le caractère flou de cette notion de bénéfice, la majorité estimant au contraire le texte limpide et laissant le soin aux tribunaux d'interpréter ce qui ne le serait pas.
Plus largement, les députés de l'opposition ont critiqué ce qu'ils décrivent comme le « détricotage du droit du travail ». Patrick Roy, député socialiste du Nord, regrette ainsi que « le statut du salarié en interim offre très peu de garanties. Avec cette proposition tout à fait curieuse et quelque peu révoltante de prêt de main d'oeuvre, vous voulez faire de l'interim au rabais, sans expliquer ni les conditions ni les contours ».
La proposition de loi pour faciliter le maintien et la création d'emplois a également consacré l'entrée du télétravail dans le code du travail.