Législatives : les machines à voter d'Aulnay-sous-Bois font planer le doute sur la sincérité du scrutin
La fronde contre les machines à voter ne s'est pas atténuée après la présidentielle. Des citoyens d'Aulnay-sous-Bois reprochent à la municipalité d'avoir mis en place des ordinateurs de vote et dénoncent des irrégularités. Par conséquent, ils se tournent vers le Conseil constitutionnel pour faire annuler l'élection.
Les machines à voter continuent de susciter polémiques et doutes. Après les remous observés dans plusieurs communes à l'occasion de l'élection présidentielle, c'est au tour des ordinateurs de vote installés à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) d'être mis en cause. Le collectif AulnayCitoyen, après avoir relevé de nombreuses irrégularités, vient ainsi de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel visant à l'annulation du scrutin qui a conduit l'UMP Gérard Gaudron à être élu dans la 10e circonscription.
Hervé Suaudeau, le président d'AulnayCitoyen, explique au Mondeinformatique.fr que les appareils installés dans 38 bureaux de vote - fabriqués par Nedap - ne correspondent pas à l'agrément délivré par le ministère de l'Intérieur. Selon le président du collectif - par ailleurs informaticien au CNRS -, « le certificat exigeait la présence d'un dispositif audio à destination des non voyants, un accessoire indispensable constitutif de l'agrément ». Or, les machines d'Aulnay-sous-Bois étaient dépourvues de cet appareillage et, de fait, créaient une rupture d'égalité entre les citoyens face au vote.
D'autre part, Hervé Suaudeau souligne que « deux tickets d'incidents et d'événements ont pu être examinés au cours des scrutins des 10 et 17 juin. Ils montrent que de nombreuses interventions ont eu lieu sur les machines, ce qui peut être constitutif d'une fraude. On veut que le Conseil constitutionnel examine de très près ces éléments. »
Enfin, parmi la liste des irrégularités qu'AulnayCitoyen a soumises au gardien de la Constitution, figure également le non respect de plusieurs obligations légales. Les machines doivent, notamment, indiquer la date et l'heure sur les tickets de programmation, préalables à l'ouverture du scrutin, ce qui n'était pas le cas à Aulnay-sous-Bois, les mentions étant inscrites à la main. En outre, les présidents des bureaux de vote n'étaient pas en mesure d'apporter la preuve de l'authenticité des scellés garantissant l'intégrité des appareils.
Les administrés nourrissant des craintes sur la sincérité du scrutin s'étaient tournés vers la municipalité entre les deux tours afin « de lui offrir une porte de sortie, confie Hervé Suaudeau. Nous nous sommes entretenus avec le maire (qui sera finalement élu le 17 juin, NDLR) et lui avons expliqué que la mise en place de machines illégales constituait une voie de fait. » Si l'édile a entendu les arguments avancés, il n'était pas question de faire machine arrière et de remplacer les machines par des urnes traditionnelles. La Ville était disposée à examiner attentivement le problème avec ses juristes, mais seulement à l'issue du second tour.
"On passe de la démocratie à la technocratie »
Le recours déposé le 19 juin par AulnayCitoyen ne se veut, pour autant, pas dirigé contre le nouvel élu. « Notre démarche répond à une question de principe et pas d'homme, précise Hervé Suaudeau. Entre les deux tours, nous avions décidé de nous tourner vers le Conseil constitutionnel, quelle que soit l'identité du futur élu. » Et la contestation de l'élection locale séquano-dionysienne n'est pas la finalité de la démarche entreprise : « On veut faire prendre conscience aux politiques que les machines sont anti-démocratiques. Dans une démocratie, le citoyen dispose du contrôle de son vote. Là , il doit faire confiance à des experts. On passe de la démocratie à la technocratie. Le temps gagné grâce aux machines ne vaut pas les doutes qui planent sur la sincérité du scrutin. »
Sensible aux arguments avancés par AulnayCitoyen, Philippe Dallier, le sénateur-maire des Pavillons-sous-Bois vient de déposer une proposition de loi visant à interdire les machines à voter. L'élu de la chambre haute estime que « rien ne permettra jamais de garantir que la sincérité du scrutin soit préservée. Ni les pannes inhérentes à tout système informatique, ni le risque de malversation ne pourront jamais être ramenés à zéro. » L'initiative de l'édile rappelle le contrat que la Crii-vote - une association bâtie sur la base du site ordinateurs-de-vote.org - a soumis aux aspirants députés : en paraphant le document, les candidats s'engageaient à déposer une proposition de loi pour la suppression des machines à voter s'ils étaient élus.