Après avoir sorti la calculette pour détailler les économies qui découlaient de sa décision de quitter le cloud public, David Heinemeier Hansson, le CTO de 37signals, la société qui édite Basecamp et la solution de collaboration Hey, met à nu un des étendards marketing des hyperscalers : le serverless. Présenté comme une réponse aux problématiques de compétences, de performances, de réduction des coûts et comme une réelle simplification de l'accès à l'IT, le modèle masque une mécanique financière... qui profite uniquement aux fournisseurs de cloud, selon le CTO. « Le serverless est devenu un mantra parce qu'il apparaît encore juste assez magique pour que la plupart des gens ne remettent pas en question ses principes fondamentaux. Ce qu'ils devraient pourtant faire », écrit David Heinemeier Hansson, dans un billet de blog.
Sa démonstration ? Selon lui, le serverless permet de prolonger et d'accentuer la mécanique à la source des marges du cloud. Au départ, celles-ci reposent sur la capacité à louer simultanément les capacités d'une infrastructure à de multiples entreprises. « Vous exploitez un gros serveur pour 1 000 dollars par mois, puis vous le louez à sept personnes pour 200 dollars par mois. Et voilà ! Vous avez dégagé un bénéfice de 400 dollars par mois », illustre le CTO. Et de souligner qu'il s'agit déjà d'un mauvais deal si l'entreprise a besoin des performances de la totalité de l'infrastructure la plupart du temps. Même en tenant compte des rabais accordés par les hyperscalers pour ce type de besoins.
« Des cycles d'horloge plus chers, un lock-in immense »
Mais le déséquilibre est encore plus prononcé avec le serverless, assure le CTO. Selon lui, le mécanisme général reste identique, « mais vous pouvez découper le serveur en tranches beaucoup plus fines. Au lieu de louer votre gros serveur à sept clients pour 200 dollars par mois, vous louez l'exécution de fonctions à 100 clients pour 20 dollars par mois. Vous dégagez ainsi un bénéfice de 1000 dollars par mois au lieu de 400. Pas étonnant que les fournisseurs de cloud computing adorent le serverless ! » Bien sûr, relève le CTO, le modèle peut faire sens pour des entreprises qui ont besoin d'exécuter certaines fonctions de temps en temps, mais il est très défavorable à toute organisation ayant des besoins couvrant les capacités d'un serveur en entier. « Non seulement parce que vous payez plus cher pour les mêmes cycles d'horloge, mais aussi parce que le lock-in (le verrouillage à la plateforme du fournisseur, NDLR) est immense », observe David Heinemeier Hansson.
Le CTO en profite pour donner un petit coup de griffe à AWS, qui était le fournisseur de cloud de son entreprise avant que cette dernière ne décide de rapatrier tout son système d'information sur un cluster Dell hébergé par Deft : « Le cloud est principalement destiné aux entreprises qui connaissent de fortes variations d'utilisation - comme c'est le cas d'Amazon AWS, qui connaît une forte demande autour du Black Friday et de Noël, ce qui laisse l'entreprise avec une capacité inutilisée pour le reste de l'année - ou aux jeunes entreprises qui ont une activité insuffisante pour justifier la possession d'un serveur ou dépensent si peu sur le cloud que cela n'a pas d'importance. » Selon lui, le serverless ne change rien à cette équation fondamentale.
Le serverless : un business model idéal pour la marge des hyperscalers
Le CTO de Basecamp, qui a pris récemment la décision de quitter AWS, démonte les mécanismes du serverless. Un modèle qui profite avant tout aux marges des hyperscalers, selon lui.