C’est un écosystème méconnu mais qui est pourtant porteur. Le réseau des instituts Carnot est un ensemble de 38 structures qui s’engagent dans la recherche en partenariat avec les entreprises. Et pour la douzième année consécutive, le réseau a organisé ses Rendez-vous à Paris - l’événement a lieu un an sur deux à Lyon également - pour faire se rencontrer entreprises et chercheurs. Ces derniers représentent près de 800 laboratoires et ne sont donc pas forcément issus du réseau des instituts Carnot. Selon le directeur général du réseau, Alain Duprey, c’est 85 à 90% de la Recherche destinée aux entreprises française qui est présente sur cet événement. La moitié sont les laboratoires Carnot, le reste sont des instituts mobilisables : « ce n’est pas la peine de faire venir un laboratoire dont tous les chercheurs sont mobilisés pour les trois années à venir. Nous cherchons des laboratoires qui peuvent répondre à des problématiques d’entreprises », indique M. Duprey.
Cette année, près de 3 000 personnes ont participé à ces Rendez-vous, les 16 et 17 octobre 2019, dont un tiers de grandes entreprises et deux tiers de TME/PME/ETI. Le but étant que les rendez-vous tenus entre laboratoires et sociétés aboutissent à une contractualisation. L’année dernière, environ 10 000 rendez-vous ont été tenus pour 850 contrats connus signés. En plus du cœur de l’événement que sont ses rencontres privées, une série de conférences sont proposées sur des visions prospectives (santé, usine du futur, etc.) mais sur les différents moyens de trouver des soutiens dans une démarche d’innovation. Un volet investissement a été ajouté cette année aux conférences pour pousser quelques investisseurs du marché. Des focus thématiques en santé, robotique, machine learning sont proposés aussi pour présenter des retours d’expérience, résultats de recherche un peu surprenant, etc. Enfin, une place de l’innovation mettait en valeur une vingtaine de start-up et PME sélectionnées sur dossier pour présenter un produit innovant qu’elles ont mis sur le marché devant des entreprises « donneurs d’ordres », comme les qualifient Alain Duprey.
200 à 250 laboratoires dans l'IT présents sur l'événement
Le réseau des instituts Carnot adresse majoritairement huit filières industrielles : l’aéronautique, l’automobile, les énergies, les industries extractives et de première transformation, le manufacturing, les médicaments, la mode et le luxe, le sport et le bien-être. D’autres secteurs sont aussi concernés. Lors des Rendez-vous, Alain Duprey estime que 200 à 250 laboratoires (sur les 800) ont un cœur de métier dans le numérique. Dans le réseau des 38 instituts Carnot, on en dénombre dix. En voici deux exemples :
Logiciel et systèmes intelligents (LSI). L'institut Carnot LSI regroupe 10 laboratoires et équipes universitaires de l’académie de Grenoble, dans le secteur du Numérique, qui sont fortement immergés dans le tissu industriel et socio-économique de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il adresse les PME et ETI sur des technologies autour du big data, l’IoT ou la cybersécurité et dans des marchés tels que la robotique, l’usine du futur, la santé, l’énergie, etc. Ce laboratoire est composé de 278 personnes dont 132 doctorants, a déposé 393 brevets et génère 15,8 M€ de chiffre d’affaires annuel sur ses partenariats industriels.
Télécom & Société numérique. Le Carnot Télécom & Société numérique est le premier laboratoire du réseau dans le secteur des telcos. Ses quelques 1 720 chercheurs (dont 950 doctorants) sont spécialisés dans divers domaines informatiques mais aussi scientifiques pour accompagner les entreprises dans leur transition numérique. L’institut a travaillé avec des grandes entreprises comme Orange, Thalès, BNP Paribas, Google mais aussi plus de 150 PME. Il dépose environ 80 brevets par an et génère autour de 72 M€ annuel.
38 Carnot sont répartis dans toute la France. Un Carnot peut regroupe plusieurs laboratoires régionaux. (Crédit : Instituts Carnot)
Des revenus multipliés par 4 en 13 ans
En 2018, les 38 Carnot ont réalisé 450 M€ de chiffre d’affaires sur des projets de recherche contractuelle, dont 130 M€ avec des TPE/PME/ETI. Ces derniers revenus ont été multiplié par 4 en treize ans. Le label Carnot a, lui, été créé en 2006, par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche pour favoriser la recherche partenariale. Les entreprises adressées par le réseau Carnot ont donc souvent une volonté d’apporter de l’innovation à leur activité, créer une technologie de rupture, ou ont besoin de compétences R&D qu’elle n’ont pas. Et peuvent donc faire appel au réseau Carnot.
Il s’agit de bien différencier les travaux de recherche délivrés par les Carnot de ceux d’un prestataire de services. « Dans Carnot, nous avons une quantité de compétences de premier niveau international et ce serait un peu gâcher la marchandise que de leur faire faire ce que n’importe quel ingénieur dans une société de service pourrait faire », s’enorgueillit le directeur général du réseau. Le laboratoire est là pour suivre un projet qui implique du développement de connaissance. Lorsque l’aspect recherche du travail est terminé, dans le cas d’un développement logiciel par exemple, le laboratoire transférera la connaissance développée à prestataire qui assurera la maintenance.
D’autre part, les projets menés avec les Carnots sont éligibles au crédit impôt recherche. « Souvent quand on s’adresse à un prestataire privé, ce n’est pas pour faire de la recherche mais du développement sans connaissance nouvelle, et ça ça n’est pas éligible au CIR », précise Alain Duprey. Enfin, Damien Salauze, directeur de la filière FindMed, ajoute que « généralement les chercheurs ne veulent pas faire de la prestation de services parce que ça ne leur permet pas de publier. Le donneur d’ordre n’a pas envie que des résultats soient connus, et les prestataires de services adorent les processus où il n’y a rien à mettre au point, qu’ils ont déjà validé x fois. Mais le chercheur préfère explorer l’inconnu, parce que ça peut être publié. » La relation est donc donnant-donnant, et les entreprises devront accepter que le projet soit publié dans des revues scientifiques (sans avoir pour autant à communiquer des données issues de ce projet). Mais ce genre de partenariat peut être l’opportunité, surtout pour des entreprises plus humbles, d’avoir accès à un réseau de chercheurs reconnus pour développer les solutions dont elles ont besoin pour leur activité.