Hier la presse américaine lançait un pavé dans la mare en annonçant des discussions entre Broadcom et VMware en vue du rachat de ce dernier. Le Wall Street Journal a même précisé que ce deal évalué à 60 milliards de dollars pourrait être annoncé jeudi (une offre à 140$ l'action) au moment de la publication des résultats du 1er trimestre 2023 de VMware. Aucune des deux sociétés n’a fait de commentaires. Il est aussi possible que d’autres concurrents sortent du bois et proposent une contre-offre. Les noms de Cisco, IBM et Red Hat ou encore Intel circulent.
A l’annonce de cette information, les analystes de Wells Fargo ont indiqué qu’une acquisition de VMware « serait considérée comme ayant un sens stratégique » et d’ajouter, « elle est cohérente avec l’accent mis par Broadcom sur l’élaboration d’une stratégie orientée vers le logiciel de plus en plus approfondie ». Broadcom achète des technologies d'entreprise depuis des années, notamment le fabricant de commutateurs réseau Brocade en novembre 2016 pour près de 6 milliards de dollars, l'éditeur de logiciels CA Technologies en novembre 2018 pour 19 Md$ et la division de sécurité d'entreprise de Symantec en août 2019 pour plus de 10 Md$.
Intel et les analystes alertent sur les freins à l’innovation
Reste que cette opération laisse perplexes plusieurs acteurs du marché. Pat Gelsinger, ancien CEO de VMware et actuel patron d’Intel, a déclaré hier à CNBC, « je suis enthousiaste à l’idée que VMware soit un partenaire innovant pour l’avenir ». Les deux sociétés travaillent sur une meilleure intégration entre le matériel et les logiciels pour créer ce qu’Intel appelle une « cloud networking fabric ». Dans son entretien, Pat Gelsinger avertit : « S’il s’agit d’un accord purement financier, alors ce n’est pas une bonne réponse. (…) S’il ne renforce pas l’innovation, je dis non, s’il permet un cycle dynamique d’innovation, pourquoi pas ».
Cette inquiétude autour de l’innovation est partagée par des analystes. L’opération est peut être financièrement intéressante pour Broadcom, mais jusqu'à présent, le fournisseur n'a pas su apporté d'élan nécessaire pour relancer l'innovation chez les éditeurs qu'elle a déjà acquis, a déclaré Keith Townsend, directeur de The CTO Advisor. « L'innovation et l'intégration de logiciels ne sont pas au cœur des capacités de Broadcom. Je pense qu'ils l'ont prouvé avec la reprise post-acquisition de CA et de Symantec », souligne le consultant. Par exemple, avec Symantec, il était question de mettre le chiffrement et la protection des données directement sur les puces Broadcom. « Nous n'avons rien vu ou entendu depuis l'acquisition », observe-t-il.
Un autre analyste de Futurum Research constate sur son blog que « l'opération, du point de vue des clients et de l’IT, a été accueillie avec une certaine inquiétude, car Broadcom a peut-être sous-estimé sa stratégie post-acquisition par rapport à ses précédents gros rachats dans les logiciels ». Étant donné l'importance de VMware dans les réseaux d'entreprise, les DSI pourraient bien s'inquiéter de ce qu'il adviendrait des produits multi-cloud et de virtualisation de l'entreprise sous l'égide de Broadcom. « J'entends beaucoup parler de cela, mais personnellement, je ne trouve pas que ce soit une aussi grande préoccupation que certains le laissent penser », tempère-t-il. A voir si l’avenir lui donnera raison…