CIO : Pour commencer, pouvez-vous nous présenter l'USF ?
Gianmaria Perancin : Notre association, Utilisateurs de SAP Francophones, est née en 1989. C'est le troisième groupe d'utilisateurs SAP le plus ancien dans le monde, derrière celui de Grande Bretagne et d'Irlande (1988) et celui des Pays Bas (1989, peu avant nous). Nous avons comme particularité de ne pas accepter les partenaires intégrateurs dans les membres, sauf, bien sûr, s'ils sont eux-mêmes utilisateurs de SAP et représentés seulement par leurs DSI. Nous voulons en effet être autant indépendants de SAP que des intégrateurs.
Nos membres comprennent 75 % du CAC40, 66 % du SBF120 et une cinquantaine d'administrations. Les 450 organisations membres sont représentées par 3300 individus qui se réunissent environ une centaine de fois par an sur des thèmes très variés. Les groupes régionaux accueillent beaucoup de PME et d'ETI. Notre développement passe d'ailleurs, tendanciellement, par les ETI. Et le groupe Suisse Romande est actuellement en plein développement, accueillant déjà des dizaines d'entreprises. Grâce à cette commission, nous sommes le seul club présent sur deux régions commerciales différentes de SAP.
Les quatre piliers de notre action sont : étudier, partager, réfléchir et influencer. L'USF est en effet le lieu pour les utilisateurs francophones de SAP d'étudier les évolutions de tous les produits de l'éditeur. Nous partageons également les bonnes pratiques. Nous réfléchissons à l'avenir, nous essayons d'aider nos membres à comprendre la valeur ajoutée de la maintenance et à anticiper les sorties de maintenance. Et, enfin, nous portons la parole des utilisateurs pour influencer SAP autant sur les produits que sur les sujets connexes (licences, maintenance...). Au monde, il manquerait 150 000 consultants SAP pour aider à mener les transformations numériques des entreprises. Il faut que nous travaillions avec SAP pour aider à corriger ce problème.
En trente années d'indépendance, nous avons acquis une crédibilité dans l'écosystème. Nous avons une relation exigeante avec l'éditeur, constructive, où il faut être capable de se dire les choses sincèrement, même si l'autre n'est pas d'accord. Et, si l'on n'est pas d'accord, il ne faut pas en rester là car ça serait perdre notre temps. Il faut accepter de travailler ensemble. En tant que bénévoles, nous donnons de notre temps personnel, ce n'est pas notre travail, ce que SAP a parfois du mal à comprendre.
Les 9-10 octobre 2019, l'USF va organiser sa Convention annuelle à Nantes. De quoi s'agit-il ?
Il s'agit de l'événement le plus important de l'écosystème SAP en France. Aucun autre ne réunit autant d'utilisateurs et de partenaires SAP. L'an dernier, à Lyon, nous avons ainsi accueilli plus de 1500 visiteurs uniques.
Les après-midis sont réservés aux ateliers de retours d'expérience. Le matin, nous aurons six conférences plénières pour prendre de la hauteur, s'ouvrir l'esprit. Négociateur professionnel et expert en négociations complexes, notamment pour le compte du RAID, Laurent Combalbert interviendra sur « Négociations complexes et IA ». Julia De Funès, philosophe spécialiste du monde des affaires, présentera pour sa part : « Comment repenser le management à l'heure de l'IA ? ». Quant à Philippe Gabilliet, professeur de psychologie et de management, inspirateur d'optimisme, il plaidera pour offrir « La chance aux audacieux ».
Le fil rouge de cette convention sera en effet « L'IA, nouveau vecteur de transformation des métiers ». L'IA est un concept galvaudé mais les gens ont peur de perdre leur travail alors que, pour moi, l'IA est comme la révolution industrielle : de nouveaux emplois seront créés, même si des anciens disparaîtront, comme je l'ai dit dans ma tribune.
A l'occasion de sa Convention 2019, L'USF présentera également quatre livrables résultant des travaux de ses Commissions et Groupes de Travail : la Note de Perspectives « S/4HANA, les chemins pour y aller » ; l'analyse réalisée par le cabinet ITLaw sur les fondements juridiques liés à l'interopérabilité et les accès indirects ; le Livre Blanc sur la Gestion Budgétaire et Comptabilité Publique « La solution SAP à l'épreuve de la mise en oeuvre du décret GBCP » ; et enfin la Fiche Pratique n°2 « Le Process Mining, quelle valeur créée ? », de notre série « Du centre de compétences au centre d'innovation ».
Bien entendu, Gérald Karsenti, le DG de SAP France, viendra s'exprimer également en plénière. J'estime que nous avons une relation saine avec lui.
Malgré tout, sur les sujets sensibles, a-t-il réellement le pouvoir d'éventuellement vous satisfaire ?
Les problématiques les plus criantes sont, il est vrai, traitées au siège de SAP, à Walldorf. C'est pourquoi, avec les autres clubs d'utilisateurs, nous avons une rencontre annuelle avec les products owners chaque printemps.
Bien entendu, l'USF participe au SUGEN, dont je suis aussi le président, ce qui accroît d'autant plus notre poids. En plus, nous menons un gros travail commun supplémentaire avec les groupes de Grande-Bretagne et Irlande d'une part, des Pays-Bas d'autre part avec qui nous développons un excellent relationnel et des synergies, comme lorsque nous avons diffusé un communiqué commun sur notre refus de cautionner la nouvelle politique de SAP.
Dans les sujets délicats du moment pour l'écosystème SAP, il y a l'évolution du licencing par l'éditeur. Où en est-on ?
Précisons la nature exacte du problème : le nouveau modèle de licencing présenté unilatéralement en 2018, même si nous avions tenté de l'influencer. A la traditionnelle licence à l'utilisateur nommé, ce modèle ajoute une licence au volume de documents créé par les systèmes tiers au sein de SAP. Il peut s'agir de documents de ventes, de ressources humaines, etc. mais pas de mesures IoT en tant que telles sauf si cela aboutit à la création de documents.
Ce que nous avions compris, c'était que le nouveau modèle devait être à impact financier neutre. Mais, en fait, il y a toujours un surcoût en intégrant les fameux « accès indirects » qui n'étaient pas facturés avant les années 2010. Si SAP ne pense qu'à faire croître ses revenus, ils continueront à perdre la confiance de leurs clients.
Et la migration vers S/4 Hana ?
L'enquête de satisfaction diffusée l'an dernier à la Convention a révélé que les utilisateurs se sentent mis au pied du mur par la date de 2025, moment de la fin de maintenance d'ECC. Mais quelle est la valeur d'une migration S/4 Hana ? Nous sommes perplexes. Il manque une valeur métier à cette migration. Certains de nos membres se pose donc la question : « et si c'était le moment de sortir de SAP ? ».
Concernant les autres produits et leur feuille de route, quelle est votre sentiment ?
La nouvelle suite de CRM, C/4 Hana, entièrement dans le cloud, est bien complète. Mais la peinture est encore fraîche. Elle n'est pas encore disponible sur plus d'un seul cloud. Il y a un travail en cours au sein de l'USF sur la migration SAP CRM et Hybris vers C/4 Hana.
L'IA version SAP, Leonardo, on n'en n'entend plus beaucoup parler, sauf avec le rachat de Contextor, rachat que j'estime être une très bonne chose.
Le sujet de la localisation nécessite que l'on approfondisse avec SAP. Il faut que l'éditeur réponde mieux aux attentes de ses clients. Il faudrait convenir d'une liste de priorités. Par exemple, nous avons eu des retards sur le développement d'une fonction dédiée à la SII (Soumission Immédiate d'Information) dans le cadre de la TVA espagnole, ce qui concerne toutes les entreprises ayant une implantation en Espagne.
Votre remarque sur Leonardo m'amène à vous demander en quoi l'IA et le PGI peuvent être rapprochés alors que l'IA est le thème de votre convention. N'est-ce pas le mariage de la carpe et du lapin ?
A ce jour, je vous accorde qu'il est encore compliqué de voir de l'IA dans le PGI. Mais l'IA a une place dans le SI. Il faut accompagner les utilisateurs pour qu'ils n'aient pas peur mais délivrent une valeur supérieure grâce à l'IA.
Et insérer de l'IA dans le PGI, cela n'est pas suffisant. Il faut qu'elle apprenne. On peut ainsi imaginer un nouveau métier : coach d'IA, qui sera là pour guider l'apprentissage des IA. Il faudra former à ce métier. Plus personnellement, je suis sûr que l'IA peut apporter une vraie valeur métier. Une fois le virage pris, on aura aidé les collaborateurs à se transformer.
Quel est, finalement, votre relation avec SAP ?
Certes, on peut parfois être dur avec SAP. La confrontation existe. Mais l'éditeur nous écoute. Notre travail porte les besoins et la parole des utilisateurs. Et SAP est le dernier éditeur européen de taille mondiale.