La question revient sous diverses formes depuis quelques années. Une entreprise qui ne respecte pas une licence logicielle commet-elle un délit pénal, la contrefaçon, ou une simple faute contractuelle ? La réponse à cette question a de nombreuses implications tant en termes de procédures judiciaires pouvant être employées (la saisie-contrefaçon n'est possible que dans les affaires de contrefaçon par exemple) que de conséquences pour le fautif. Une affaire opposant un éditeur de logiciels libres et Orange datant de 2005 vient d'être jugée en appel à Paris. Et la Cour a tranché en faveur de la responsabilité contractuelle, ce qui implique une non-pertinence de la procédure pénale engagée par l'éditeur qui a donc été débouté sur cette partie du litige. Cependant, Orange a été reconnu coupable de parasitisme et condamné pour cela à indemniser l'éditeur à hauteur de 150 000 euros (auxquels s'ajoutent les dépends et frais de procédures). Mais cette jurisprudence est à prendre avec prudence.
Cet arrêt intervient après une saisine de la Cour de Justice de l'Union Européenne qui s'était bien gardée de répondre précisément à l'ensemble des questions posées par la Cour d'Appel de Paris sur l'interprétation à avoir de deux directives européennes (directive 2004/48/CE du 29 avril 2004, Directive 2009/24/CE du 23 avril 2009). Cette saisine avait été opérée dans le cadre d'une autre affaire assez proche opposant l'opérateur Free et l'éditeur IT Development, la licence n'était alors pas libre mais commerciale. Là également, les tribunaux français avaient penché en faveur de la responsabilité contractuelle même si la Cour de Justice de l'Union Européenne avait eu une réponse de Normand, tant le sujet peut varier en fonction des législations nationales et des traditions juridiques, pourvu que les droits de chacun soient préservés.
La procédure en contrefaçon n'est pas morte !
Cette accumulation de jurisprudences en faveur de la responsabilité contractuelle peut-elle enterrer définitivement le recours à la procédure en contrefaçon ? La réponse est négative. En effet, dans les deux cas précités, on est face au non-respect d'une clause contractuelle de la licence. En l'occurrence, des modifications du code ont été opérées par les fautifs en dehors du cadre prévu (obligation de redistribution dans un cas, obligation d'une licence plus onéreuse dans l'autre). Mais ce cas n'est pas général et le recours à la procédure en contrefaçon demeure possible dans les cas de non-respect de la propriété intellectuelle.
En effet, la Cour d'Appel de Paris, dans son arrêt du 19 mars 2021, est très précise : « lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un acte de contrefaçon, alors l'action doit être engagée sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle prévue à l'article L.335-3 du code de la propriété intellectuelle. En revanche lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un manquement contractuel, le titulaire du droit ayant consenti par contrat à son utilisation sous certaines réserves, alors seule une action en responsabilité contractuelle est recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités. »
Le non-respect d'une licence GNU GPL relève de la responsabilité contractuelle
La Cour d'Appel de Paris a confirmé un jugement établissement qu'un non-respect de la licence GNU GPL relève de la faute contractuelle.