Si les initiatives sont nombreuses à l'étranger, la mise en place dans les enseignes françaises des outils et services permettant de faciliter le parcours client se heurte encore à de fortes résistances. Les entreprises de la grande distribution sont encore dirigées par des hommes issus de la génération « clic & mortar », nous a ainsi expliqué Stéphane Lesoin, responsable retail chez Capgemini. « Tout ce qu'ils ont appris ces dernières années est en train d'être remis en cause par la transformation digitale des enseignes. Ils sont aujourd'hui obligés d'accompagner le tsunami faute de l'avoir anticipé. La réalité est qu'Amazon est devenu le 3ème distributeur mondial ». En France, les dirigeants des enseignes font tous des pilotes pour améliorer l'expérience client en unifiant le magasin et le digital. Et s'ils ont bien compris l'intérêt du multicanal avec une dose de mobilité, ils n'ont pas encore consenti tous les investissements nécessaires pour y arriver (voir le retard pris en France dans les systèmes de paiement mobile, notamment depuis un smartphone).
On assisterait encore et toujours - relire « L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme » de Max Weber - à l'opposition entre les cultures latine et anglo-saxonne avec, d'un coté, des ressources IT vécues comme un moyen - et non plus une contrainte- et, de l'autre, comme une arme aux services des métiers, ici la distribution. Selon une étude réalisée par IDC pour le compte de SAP et Capgemini, deux tiers des enseignes françaises confirment la nécessité de créer de nouveaux métiers (animateur de communautés, collaborateur multi-casquette, data scientist..) pour répondre à la digitalisation de leurs processus.
Les enseignes face à 3 grands défis
Selon Rachid Chennaf, ingénieur avant-vente retail chez SAP France, les enseignes sont aujourd'hui confrontées à trois grands défis : le temps réel, l'intégration des canaux et l'amélioration du parcours client. Pour trois-quarts des enseignes, selon IDC, le premier enjeu est de veiller à ce que les demandes des clients soient satisfaites rapidement, ce qui nécessite un traitement en temps réel des requêtes et de l'état des stocks - et là SAP sort bien sûr Hana de son chapeau - pour pouvoir répondre à la demande : achat d'un article, utilisation de points de fidélité, date de livraison... L'intégration des canaux est aujourd'hui en cours mais pas encore totalement opérationnelle dans la distribution, selon M. Chennaf. « Les bases de données ne sont pas encore totalement partagées, les enseignes n'ont pas été aussi vite que les clients ». Le défi est aujourd'hui d'offrir une expérience client consistante à travers de multiples canaux d'interaction pour paraphraser IDC.
Dernier challenge, faciliter le parcours du client, en gros interagir en temps réel en poussant des offres et des promotions aux clients identifiés. L'idée est également d'utiliser les données récoltées pour anticiper les tendances à venir, ainsi que les zones d'amélioration afin d'adapter les magasins aux besoins réels des clients. Capgemini pense ainsi que la taille des magasins en centre-ville - où le mètre carré est très cher - pourrait diminuer pour devenir de simples show-room sans aucun stock. Le client serait livré chez lui à l'heure qui lui convient ou dans un point-relais directement depuis la plate-forme logistique. On comprend bien ici l'avantage pour l'enseigne mais pas vraiment pour le client qui pourrait être tenté d'aller dans un magasin qui a encore du stock pour repartir immédiatement avec ses nouvelles chaussures ou son nouveau manteau.
Quid de l'avis des clients
L'idée est d'offrir un parcours client sans couture mais pour relever ce défi, les enseignes doivent reconsidérer l'expérience client en cassant les silos qui existent entre les nombreux canaux. L'omnicanal est au bout de ce chemin. Selon IDC, l'alignement est cependant en cours. Pour 77% des enseignes interrogées, les clients attendent des services permettant un parcours client digital/magasin unifié. Dommage que cette étude IDC ne porte que sur un panel réduit (150 entreprises de plus de 100 salariés en France dans le B-to-C, la VPC et l'e-commerce, avec des entretiens auprès de 70 directeurs/responsables marketing, 50 DSI/responsables IT, et 30 directeurs de magasins). Difficile donc de vraiment savoir ce que désire le client lambda.