La France, prochain champion de l'intelligence artificielle ? C'est en tout cas ce que souhaite le Gouvernement avec la mise en oeuvre de sa stratégie nationale pour l'IA lancée en mars 2018. Le président de la République Emmanuel Macron avait présenté un premier plan, doté de 1,5 Md€ de crédits publics. Cette première phase a permis de renforcer l’existant, notamment les capacités de recherche. Ce 8 novembre 2021, le gouvernement annonce le lancement de la seconde phase, sur le recrutement et la formation de « talents IA », étroitement liée au plan France 2030. Au total, 2,22 milliards d’euros seront consacrés à l’IA pour les 5 ans qui viennent, dont 1,5 milliard d’euros de financements publics et 506 millions d’euros de cofinancements privés.
La contribution publique proviendra du 4e programme d’investissements d’avenir dit PIA4 (557 M€), d’autres crédits publics (crédits budgétaires des ministères et opérateurs, financements européens et financements des collectivités à hauteur de 288 M€) et de France 2030 (plan d’investissement dans la formation à l’IA de plus de 700 M€). Sur le total de 1,5 milliard d’euros, la formation représente la moitié de l’effort (50 %), les mesures de soutien à l’innovation et économiques 40 % et les mesures pour la recherche scientifique et de transfert près de 10%.
La synthèse des montants mobilisés pour l’IA. (Crédit : Gouvernement français)
A noter que le PIA4 contribuera à l’investissement dans le développement d’une offre d’IA et sa diffusion au sein de l’économie à hauteur de 228 M€ sur 2021-2022 et 329 M€ pour les années suivantes et que France 2030 contribue à l’investissement dans la formation à l’IA (700 M€) d'ici 2025.
Des objectifs ambitieux
Dans le détail, le plan prévoit de former et financer une cible d’au moins 2000 étudiants en DUT / licence / licence pro, 1 500 étudiants en master et 200 thèses supplémentaires par an en régime de croisière. Il prévoit également de placer au minimum un établissement d’excellence dans les meilleurs rangs internationaux et de recruter 15 scientifiques étrangers d’envergure mondiale d’ici janvier 2024. Le nombre de start-ups créées devrait également tripler et 400 PME et ETI seront accompagnées d’ici à 2025 dans l’adoption de solutions IA.
Un rythme accéléré qui devrait permettre de « capter de 10 à 15% des parts du marché mondial de l’IA embarquée à horizon 2025 et faire de la France un leader mondial dans le domaine », assure le Gouvernement. La liste des projets ne s’arrête pas là puisque le plan inclut le soutien de « dix projets d’IA de démonstrateurs ou de développement technologique d’IA frugale ». A terme, il s’agit de lancer quatre démonstrateurs d’usages de l’IA dans les domaines de l’automobile, l’aéronautique, l’industrie 4.0 et l’énergie d’ici fin 2022 et de livrer 3 à 4 plateformes logicielles interopérables multi-acteurs, d’envergure européenne, dans les domaines de l’IA embarquée ou décentralisée et de l’IA de confiance.
Un premier bilan mitigé
Depuis 2018, la France a développé ses partenariats européens, et de l’autre côté de l’Atlantique, tout en attirant quelques talents sur le territoire. Un accord entre Inria et le DFKI allemand concrétise la coopération franco-allemande de recherche en IA, en parallèle de deux saisons d’appels à projets binationaux, pour soutenir des projets de collaboration stratégique, de recherche, de maturation. Un autre appel très souscrit a soutenu des initiatives pour la gestion des risques, de la prévention des crises et de la résilience (février 2021). Un partenariat franco-québécois a permis de lancer DEEL sur le développement d'applications IA pour l’aéronautique (IRT Sant Exupéry) et DOS sur l’automatisation de la fonction d’observation des conducteurs de trains (SystemX).
Par ailleurs, rares sont les experts étrangers recrutés depuis 3 ans. Joao Marques-Silva, référence mondiale du raisonnement automatique et précédemment professeur à l'University College de Dublin et à l'Université de Lisbonne, a été recruté en tant que directeur de recherche au CNRS. Justine Cassel, professeur à l’Université de Carnegie Mellon (USA) et spécialiste des agents conversationnels capables de dialoguer avec les humains, a été recrutée en 2019 en tant que directrice de recherche chez Inria. « Cela a permis de maintenir notre potentiel scientifique et de R&D sur notre territoire et de rendre la France plus attractive, avec en particulier l’installation de plusieurs laboratoires de référence ».
6 licornes IA et 502 start-ups spécialisées en 2021
En ce qui concerne l'écosystème start-up, le gouvernement n’a pas manqué de « se féliciter de l’essor d’au moins 6 licornes françaises dans le domaine de l’IA ces dernières années (ContentSquare, Dental Monitoring, Shift Technology, Alan, Mirakl, Meero) ». Le nombre de startups spécialisées en IA a par ailleurs augmenté, passant ainsi à 502 en 2021, soit une hausse de 11% par rapport à 2020. Des progrès relatifs face à l’avance globale détenue par les Etats-Unis et la Chine. Le dernier rapport de la Fondation pour les technologies de l'information et de l'innovation (ITIF) révèle que « la Chine compte désormais près de deux fois plus de superordinateurs classés dans le top 500 en termes de performances que les États-Unis ». Dans l'ensemble, cependant, « la Chine n'a pas réduit de manière significative l'écart en matière d'IA entre elle-même et les États-Unis, mais sa tendance à des progrès constants pourrait éventuellement faire disparaître l'avance américaine ».