Alors que le cloud prend de plus en plus de place dans les budgets IT des entreprises, placer ces dépenses sous contrôle est devenu impératif pour une large part des organisations. C'est tout l'enjeu du FinOps, un ensemble de pratiques consistant à aligner les dépenses cloud sur les besoins réels des entreprises. Des pratiques qui s'installent peu à peu dans les entreprises - surtout quand celles-ci commencent à mesurer les dérives budgétaires que peut entraîner le cloud à défaut d'un contrôle strict -, comme le montre une étude de la FinOps Foundation, un programme de la fondation Linux visant à accélérer le développement de cette discipline.
Pour produire son « état du FinOps en 2022 », la fondation s'est basée sur les réponses de 1056 entreprises dans le monde, représentant un total de 40 Md$ de dépenses dans le cloud. Des organisations que la FinOps Foundation classe en différents niveaux de maturité, une logique qui permet de mesurer les écarts entre les uns et les autres. Ainsi, les organisations les plus avancées font état de dérives d'environ 5% entre les estimations de dépenses et les factures effectivement reçues des fournisseurs. Parmi les entreprises débutantes en matière de FinOps, l'écart monte plus ou moins à 20%.
Seulement trois ans d'ancienneté dans le métier en moyenne
Ce simple constat et les complexités de la discipline expliquent la montée en puissance des équipes FinOps au sein des entreprises. Les entreprises les moins avancées ont dédié, en moyenne, trois personnes au sujet. Ces équipes atteignent neuf personnes dans les organisations les plus matures sur le contrôle des coûts. Surtout, ces totaux devraient largement progresser dans les 12 mois qui viennent, pour passer à six et quatorze respectivement. Ces équipes FinOps sont souvent placées sous l'autorité d'un responsable de la technologie (Chief Technology Officer ou DSI dans deux tiers des cas), plutôt que sous celle d'une direction financière (finance et achats représentent un peu plus de 20% des cas).
La FinOps Foundation indique que la discipline continue à regrouper des profils techno et d'autres issus de la finance. Logiquement, ces compétences n'ont que peu de séniorité dans le domaine, environ trois ans. Même si cette ancienneté progresse de quelque 6 mois par rapport à l'édition 2021 de cette même étude.
Une complexité croissante, des usages qui s'intensifient
Cette structuration des pratiques semble indispensable compte tenu de la complexité du contrôle de coûts dans les environnements cloud. Interrogés sur leurs principales difficultés, les répondants à l'enquête soulignent les multiples défis qu'ils rencontrent tant sur un plan technique que pour transformer la culture de leur organisation : impliquer les ingénieurs (cité par 30%), prévoir les dépenses de façon juste (29%), accélérer l'adoption du FinOps (22%), favoriser l'automatisation (20%), réduire les dépenses inutiles (19%) ou encore aligner la finance et les achats avec les équipes techniques (16%). « Ces résultats montrent que la nature décentralisée du cloud rend l'optimisation des coûts difficile à orchestrer. Ce n'est pas que les équipes FinOps les plus avancées ne parviennent pas à résoudre les problèmes posés, mais que ces problèmes deviennent de plus en plus complexes à mesure que les dépenses et les usages augmentent », écrit la fondation.
Exemple emblématique : parmi les entreprises utilisant plusieurs prestataires de cloud, seul un peu plus d'un tiers parvient à unifier et normaliser les données de facturation provenant des différents fournisseurs. Et les organisations continuent à utiliser une profusion d'outils (en moyenne, 3,7), certains issus des grands prestataires de cloud (comme Cost Explorer fourni par AWS, qui devance toutes les autres solutions), des solutions spécialisées (comme celles que commercialisent Apptio ou VMware), mais aussi des développements maison. « De façon surprenante, les solutions d'outillage maison sont celles qui connaissent la croissance la plus nette par rapport à l'année dernière », notent les auteurs de l'étude.
Les anomalies sont détectées, mais la réaction est lente
La structuration des démarches FinOps visent plusieurs objectifs, eux aussi scrutés par l'étude. Notamment la capacité à maximiser l'usage des discounts et autres rabais accordés par les prestataires. Sans surprise, deux tiers des entreprises les plus avancées en matière de FinOps utilisent déjà des services à prix discount, basés sur des engagements en matière d'usage. Contre 36% des organisations les moins matures. Ces dernières ont davantage recours aux prix catalogue standards. Par ailleurs, si 58% des entreprises ont mis en place un processus (automatisé ou manuel) pour détecter des anomalies - soit des surcoûts non attendus -, 53% des répondants reconnaissent que leur équipe FinOps mettra des jours à réagir à ces dérives. « Les équipes FinOps les plus avancées sont trois fois plus susceptibles d'utiliser l'automatisation pour évaluer les charges financières du cloud que les autres niveaux de maturité. Cependant, même ces équipes continuent souvent à travailler sur la manière de gérer ces anomalies », observe le rapport.
Seules 14% des entreprises parviennent à affecter plus de 90% de leurs dépenses cloud. (crédit : Fondation Linux)
Car, au-delà du suivi et de l'outillage, la pratique doit viser à responsabiliser les utilisateurs, métiers y compris. En la matière, beaucoup reste à faire. Si les entreprises affichent leur ambition de réaffecter 90% ou plus de leurs dépenses cloud, elles ne sont actuellement que 14% dans ce cas. 28% supplémentaires parviennent toutefois à dispatcher entre 71 et 90% de leurs factures aux différents services. Par ailleurs, l'affichage des coûts (showback) aux équipes reste souvent assez statique. Dans environ un tiers des organisations, ce reporting est uniquement mensuel. Seules 7% des entreprises parviennent à diffuser ces informations budgétaires au cours de chaque sprint ou immédiatement après le déploiement.