Fédérant une vingtaine d'associations d'anciens élèves de diverses grandes écoles et universités, le G9+ se veut être un think-tank des transformations de notre société par la technologie. Le 25 janvier, il a organisé un télé-débat intitulé « Après le choc : de la résilience à la réinvention de la DSI ? ». Après une présentation des résultats d'une enquête qualitative parmi des DSI membres du G9+, le débat proprement dit a réuni Eric Blanchot (DSI Veolia Recyclage et Valorisation des déchets), Didier Fleury (DSI de la Macif), Gilles Lévêque (DSI d'Aéroports de Paris) et Raphaël Martin (DSI de l'ANSM, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé).
L'enquête menée en amont a porté sur la manière dont la crise sanitaire avait, d'une part, impacté le rôle (et la perception de ce rôle) de la DSI et les stratégies IT des organisations ainsi que, d'autre part, les opportunités pour agir différemment révélées par la crise. Unanimement, le sentiment qui en est ressorti est que la crise sanitaire Covid-19 a été un crash test de la transformation numérique et a définitivement enterré l'image d'une DSI centre de coût au bénéfice d'une vision de la DSI comme « la direction qui permet aux autres de travailler ». L'un des éléments majeurs apporté par cette crise a bien sûr été la démonstration que la généralisation du télétravail était possible puisqu'elle a eu lieu. En ce sens, la crise a été un formidable accélérateur de la transformation, ce au-delà de l'IT, par exemple avec l'obligation de mettre en place un management à distance.
Résister à la crise, un indicateur de maturité et d'agilité
La manière dont chaque entreprise a réagi à la crise a été vue comme un bon indicateur de la maturité numérique de celle-ci mais aussi de la maturité des relations avec les prestataires. Les relations avec les prestataires sont-elles maîtrisées ou non ? Le recours est-il systématique ou non? Bref, l'entreprise est-elle oui ou non maîtresse du faire et du faire-faire ? Sur la question de l'empreinte environnementale du numérique, une préoccupation mise en avant depuis plus d'un an par le Cigref et désormais par de nombreux autres acteurs du numérique, l'écart-type est énorme : on va de l'indifférence attentiste à de vrais plans d'actions très concrets.
Il est vrai que la première des priorités des DSI a été, lors de la survenue du premier confinement, la continuité d'activité. Il a fallu en catastrophe accroître les capacités des VPN, le parc d'ordinateurs portables... L'ANSM, au coeur de la crise, n'a pas eu de problème de budget et, même, comme l'a indiqué son DSI, a vécu une accélération prodigieuse de certains processus bureaucratiques comme la signature de bons d'achats. A l'inverse, les Aéroports de Paris ont connu une importante réduction d'activité avec des fermetures de terminaux et de nombreux collaborateurs en chômage partiel. « D'une sous-capacité chronique, on est brutalement passé à une sur-capacité » a indiqué son DSI. Mais cela ne signifiait pas l'arrêt de toutes les activités. Pour les activités qui restaient nécessaires, le travail à distance a été rapidement validé lorsque c'était possible. Les budgets comme les capacités à faire ont, là, par contre souffert et il a fallu rapidement adapter les plans stratégiques, travailler sur l'urgent comme la digitalisation des processus, la mesure de la distanciation sociale dans les terminaux à partir des vidéos, etc.
La Covid, accélérateur du changement
Les urgences ont changé par pur pragmatisme. Mais ce n'est pas le seul changement vécu. Réduire en masse le recours aux prestataires (même si ce n'est pas avoué, pour raisons budgétaires), c'est réinternaliser beaucoup de processus. Pour s'adapter malgré les contraintes, il a fallu restreindre les projets à ceux qui pouvaient délivrer rapidement de la valeur au travers de MVP (Minimum Viable Product - produits minimums viables). Si d'autres entreprises, comme la Macif, n'ont pas connu un véritable impact sur le chiffre d'affaires, et même si les urgences ont été bien traitées, des problèmes nouveaux surviennent. En effet, la prolongation de la crise amène une baisse du moral, des souffrances et, parfois, une forte croissance des arrêts maladie.
Mais un avis bien partagé est que le Covid-19 a été le véritable CTO de l'année. Les gens qui « n'avaient pas le temps » (c'est à dire pas l'envie) se sont brutalement entichés du collaboratif en ligne. Et, bien entendu, le développement rapide du télétravail a révélé de nombreux problèmes dormants de cybersécurité. Mais, en un rien de temps, le collaboratif, la dématérialisation, la signature électronique, etc. qui patinaient depuis des années ont vu leurs usages se répandre. L'agilité à l'échelle s'est imposé par force. Les silos ont explosé. La crise a fait sauter tous les barrages, tous les blocages. Crise ou pas, il restera à la DSI à continuer d'accompagner les évolutions des entreprises.