Le Cigref travaille sur le sujet depuis huit ans avec déjà plusieurs colloques et livres blancs à son actif. Contrairement à ce que l'on pourrait envisager, cette question de l'éthique n'est pas juste bonne pour des discussions de salon : la prospérité même des entreprises suppose que celles-ci respecte une éthique acceptée socialement.
Pascal Buffard, président du Cigref
Pour le Cigref, comme l'a mentionné Régis Delayat, DSI du réassureur SCOR, « il s'agit de mesurer l'impact de l'éthique sur les entreprises et les systèmes d'information ». La transformation numérique des organisations est, de toute évidence, bien plus qu'un simple déploiement technologique. Elle implique une transformation des comportements. Et ces comportements peuvent être liés à des enjeux éthiques.
L'exemple classique est celui des données personnelles. SCOR a une obligation légale de protection des données personnelles des individus qui sont réassurés par cette entreprise. Mais, au delà , il s'agit bien que le marché, notamment les clients finaux des assureurs clients de SCOR, aient confiance dans leur assureur et donc leur réassureur.
Régis Delayat, DSI de SCOR
« La confiance accordée par les clients est au coeur du succès des entreprises » a martelé Georges Epinette, DOSI du Groupement des Mousquetaires, qui intervenait aux côtés de Flora Fisher, chercheuse doctorante au Cigref [en photo ci-dessous]. Pour celle-ci, « la relation éthique-technologies n'est pas évidente ».
Le numérique peut poser des questions nouvelles mais, le plus souvent, il a juste un « effet grossissant » sur des problèmes éthiques classiques. Les fichiers de personnes n'ont, par exemple, pas attendu d'être informatisés pour être exploités, et pas toujours à bon escient. Un risque souligné par Georges Epinette est que « l'anonymat ne soit plus algorithmiquement possible à cause du croisement permanent des données ». L'interaction permanente entre l'homme et la technologie oblige à les rapprocher et à les étudier conjointement.
Georges Epinette, DOSI du Groupement des Mousquetaires, et Flora Fisher, chercheuse doctorante au Cigref.
Il y a donc deux dimensions à considérer dans la question de l'éthique du numérique : d'une part l'éthique des comportements lors de l'usage du numérique, d'autre part l'éthique de la technologie elle-même (M2M, impact environnemental, obsolescence programmée...).
La question éthique est particulièrement sensible dans le numérique car il existe une culture de grande liberté en lien avec les usages de la technologie, en particulier sur Internet. La logique communément adoptée est celle d'une auto-régulation dont la souplesse permet une adaptation plus simple aux évolutions permanentes des technologies. Pour Georges Epinette, « le numérique est pharmacologique au sens étymologique du mot : à la fois potion et poison. »