Mettre l’innovation au service du handicap, c’est depuis 5 ans l’objectif des projets qui participent au Défi H créé par Sogeti France (filiale de Capgemini) avec Le Monde Informatique, en partenariat avec des associations engagées dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Huit équipes d’écoles d’ingénieurs informatiques y participaient cette année avec « huit projets assez exceptionnels », a souligné Jacques Mezhrahid, directeur de l'innovation chez Sogeti France, lors de la remise des prix hier soir à Paris. Quatre distinctions ont été décernées et pour la première fois depuis 5 ans, une même équipe en a remporté deux. Le Prix du Défi H et le Prix de l’innovation technologique ont ainsi été remis à Audispensable pour le projet T-Jack présenté par les élèves de Polytech Grenoble, en partenariat avec l’association ARDDS38.
Christophe Bonnard, directeur général de Sogeti France, aux côtés du rugbyman Sébastien Chabal, parrain de la 6ème édition du Défi H.
L’équipe rhône-alpine a travaillé sur un dispositif permettant aux personnes sourdes et malentendantes appareillées de téléphoner et d’écouter du contenu multimédia venant d’un terminal mobile ou d’un ordinateur portable à partir de leur prothèse auditive. Elle a eu l’idée de recourir à une simple prise jack et à une technologie, la boucle magnétique, qui est associée à la fonction T déjà intégrée à la plupart des prothèses et implants auditifs. De petite taille, la prise jack permet à ses utilisateurs de recevoir un son de qualité en toute discrétion. « Vous répondez à un besoin social qui concerne une très large audience et votre produit n’est pas cher », a pointé Christophe Bonnard, directeur général de Sogeti France, en remettant à l’équipe de T-Jack le Prix du Défi H, aux côtés du rugbyman Sébastien Chabal, parrain de cette édition 2016 de la compétition. Quatre étudiants ont travaillé sur ce projet : Lucille Boulas, Lydia Smitkova, Guillemette Minjoulat-Rey et Florian Delhommeau qui a précisé hier soir que leur projet allait être incubé à partir de l’année prochaine pour développer le dispositif qu’ils ont élaboré.
L'équipe de T-Jack (Lucille Boulas, Lydia Smitkova, Guillemette Minjoulat-Rey et Florian Delhommeau) face à Christophe Bonnard, directeur général de Sogeti France.
Un niveau de crédibilité entre utilité et usage
« C’est la preuve que les ingénieurs peuvent être ingénieux, vous avez été sensibilisés à l’utilisation », a apprécié Didier Pradon, ingénieur hospitalier à la Fondation Garches, en leur remettant un peu plus tôt dans la soirée le prix de l’innovation technologique. « Il est souvent agaçant de voir que des choses utiles sont inutilisables et vice-versa. Cette année, il y a un niveau de crédibilité entre utilité et usage dans le domaine de l’innovation », a-t-il insisté. « C’est un produit qui peut changer la vie des gens », a ajouté à ses côtés Eric de Quatrebarbes, directeur exécutif de Sogeti France.
Depuis deux ans, le Défi H décerne par ailleurs un Prix « Jeune Pousse » pour distinguer les projets des étudiants de classes préparatoires dont le niveau de maturité ne peut pas être évalué de la même façon que sur les projets d'élèves de 3ème année. Pour cette édition 2016, il a été décerné à l’équipe SignBand, de l’école Exia Cesi de Bordeaux, accompagnée par l’association Centre d’Apprentissage de la Langue des Signes Française de Bordeaux. A l’instar du projet T-Jack, le lauréat du Prix Jeune Pousse inclut une partie matérielle. SignBand se compose d’une application mobile et de deux bracelets, ces derniers transmettant les gestes de la langue des signes au smartphone où l’app les transcrit en paroles. L’équipe se compose de six étudiants : Antoine Briand, Julien Gelos, Vladislav Isaac, Cyril Wangermez, Nathan Bruzat et Aurélie Rodriguez. Sur cette idée consistant à faire parler les personnes sourdes, il y avait peu de projets, ont-ils constaté au départ. Le but, pour eux aussi, serait de monter une start-up.
Une partie de l'équipe de SignBand, entouré de Jean Royné, DG d'IT News Info, et Marie, Spitz, MPSLS.
Le Prix Jeune Pousse a été remis par Jean Royné, directeur général d'IT-news-Info, et Marie Spitz, présidente de MPSLS, qui a dispensé quelques conseils aux étudiants. Maman d’une jeune fille autiste non verbale, elle-même a imaginé et sorti début 2015 l’app mobile Talk Different, pour dialoguer de façon ludique à l’aide d’éléments visuels, animés ou non, qui s’assemblent pour former des phrases afin d'illustrer une situation, une émotion, une demande ou une action. « Il faut très bien connaître l’environnement dans lequel vous voulez développer votre projet », a-t-elle mis en garde. « Il faut faire attention au tempo afin d’arriver ni trop tôt, ni trop tard et élaborer le business plan le plus réaliste possible en prévoyant des marges. Il faut aussi rester engagé dans la durée sans se laisser décourager par les peaux de bananes qui parsèment la route », a-t-elle ajouté en comparant ce parcours à un jeu vidéo dans lequel il faudrait passer des mondes.
Des projets au plus près des besoins
Le quatrième prix décerné par le Défi H était celui du public, déterminé à partir des votes ouverts sur Internet avec cette année 2 300 participations. Il a été décerné à l’équipe Dicodys, de l’ECE Paris, qui a été suivie par l’association Dyslab. Leur projet est destiné aux enfants ayant des troubles dyslexiques. Il porte sur un dictionnaire orthographique proposant une approche phonétique plutôt qu’alphabétique. Celui-ci a été testé auprès d’élèves dans une classe. « Nous avons été heureux de voir des enfants tester notre application avec plaisir », a relaté l’une des étudiantes de l’équipe qui réunit Marina Ceci, Solenn Danglades, Andréa de Muer, Valentin Gaury, Marion Jolly et Etienne Pouteau. Le prix leur a été remis par Noëlle Renou, consultante Entreprise et Handicap d’Exéco et Baptiste Juppet, consultant social-média de Talentéo (média sur l’emploi et le handicap), qui a souligné l’importance de fédérer les communautés.
L'équipe de Dicodys (Marina Ceci, Solenn Danglades, Andréa de Muer, Valentin Gaury, Marion Jolly et Etienne Pouteau) et de Dyslab aux côtés de Noëlle Renou (Exéco) et de Baptiste Juppet (Talentéo).
« Vous allez être les ambassadeurs de vos écoles et des relais », a de son côté lancé aux étudiants Eric Blanchet, directeur général de l’Adapt, l’un des partenaires de la 1ère heure du Défi H, en rappelant que l’emploi accompagné avait enfin pris corps dans une loi pour assurer un niveau de suivi tout au long de la vie sur le handicap dans toutes ses formes. Christian Grapin, directeur de Tremplin-Etudes-Handicap-Entreprises, a souligné quant à lui que les projets qui avaient gagné hier soir étaient ceux qui se trouvaient au plus près des besoins, en pointant l’importance d'avoir les usagers des associations également engagés et partie prenante. Ce qu’a confirmé notamment l’équipe Audispensable du projet T-Jack : « Nous avons rencontré l’association ARDDS38 deux fois par mois et ils ont testé notre dispositif », a précisé Florian Delhommeau.
Année après année, les écoles d’ingénieurs informatiques engagées dans le Défi H s’impliquent énormément, a par ailleurs conclu Jacques Mezhrahid en rappelant que certaines d’entre elles avaient inscrit le Défi H comme une unité de valeur, avec en ligne de mire la perspective d’une 6ème édition pour la compétition.