Hadopi, Dadvsi, diatribes aberrantes et répétées du porte-parole de l'UMP Frédéric Lefebvre... Le parti du Président de la République a bien besoin de se refaire une santé dans l'opinion des internautes et des informaticiens. Dans cette optique, des députés UMP ont constitué le groupe de travail « Ethique du Numérique » qui vient de publier un rapport.
L'angle de ce travail est clairement sécuritaire. Internet est avant tout une source de dangers et de menaces, en dehors de banalités dans l'introduction et d'un rapide paragraphe sur les « opportunités du monde numérique ». Il est vrai que le souci des députés UMP était de voir le rôle du législateur face au développement du numérique en général, de l'Internet en particulier.
On trouve dans le rapport beaucoup d'idées courantes sur la nécessité d'améliorer la gouvernance d'Internet. Les députés proposent, de façon plus originale, de créer une « CNIL européenne » qui émanerait des différentes autorités de protection des données personnelles et issue du fameux G29 qui coordonne déjà les travaux des organismes nationaux. Son rôle serait d'amener une harmonisation des règles (ce que fait déjà le Parlement Européen au travers des Directives et le G29) et de proposer des référentiels de bonnes pratiques pour les fournisseurs, ceux les suivant étant labellisés.
L'identité numérique et le droit à la vie privée est, à juste raison, considéré comme une source importante de problèmes.On notera ainsi un paragraphe (de rédaction prudente) fustigeant le pseudo-anonymat sur Internet qui déresponsabiliserait les internautes et les inciterait à commettre toutes sortes de délits (diffamation, contrefaçon...). La contradiction entre refus de l'anonymat et défense de la vie privée n'a pas effleuré les députés, même dans un dialogue à l'Assemblée Nationale entre l'un des auteurs et la secrétaire d'Etat à l'économie numérique.
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Mais le coeur du rapport est clairement sur l'un des thèmes chers à Nathalie Kosciusko-Morizet : le droit à l'oubli numérique. Les actions envisagées relèvent à la fois de la sensibilisation des internautes et autres usagers mais aussi par, encore une fois, des référentiels de bonnes pratiques pour les acteurs eux-mêmes (au premier rang desquels Google ou Facebook), la CNIL pouvant se charger de les labelliser (à leur frais).
La sensibilisation est clairement insuffisante
Au-delà de la sensibilisation, les députés sont conscients d'un manque de formation de la population. Ils désirent donc accroître la formation des enseignants et des étudiants du supérieur. Le développement des connexions haut débit des écoles est une nouvelle fois réclamé, avec un objectif de 100% de couverture. S'il n'est pas prévu de faire passer leur B2I aux députés, sénateurs et membres du gouvernement, le rapport mentionne enfin, page 25, la nécessité de former les élus.
Mais c'est pour aussitôt revenir à la marotte de l'UMP dès que l'on parle Internet ou numérique : la défense coûte que coûte de la propriété intellectuelle. Les errements sécuritaires autour de la DADVSI ou de l'Hadopi n'ont donc pas suffit. Cependant, il faut reconnaître que les députés prennent enfin conscience que l'approche adoptée jusqu'à présent est d'une part déjà techniquement obsolète, d'autre part favorisant une relation déséquilibrée entre vendeurs et consommateurs, avec faveur aux premiers.
LCEN : la remise en cause d'une distinction trop dichotomique
Autre marronnier des députés, la remise en cause de la distinction simple entre prestataire technique et responsable du contenu posée par la LCEN (loi sur la confiance dans l'économie numérique). Les députés UMP ne sont toujours pas convaincus que la jurisprudence ait bien fixé les limites de responsabilité et d'irresponsabilité... sans poser de cas concret de problème relevant du législateur.
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Il est vrai que plusieurs soucis sont soulignés : les sites de notation (restaurants, hôtels, médecins...) sont parfois aux limites de la diffamation, les procédures judiciaires sont souvent trop lourdes face à de nombreux petits litiges...
L'ogre Google face au gentil Microsoft
Le rapport contient également une partie au titre prometteur : « des abus de position dominante dans le monde numérique ». Mais l'UMP continue de soutenir Microsoft, seul éditeur de logiciels à avoir été consulté selon la liste fournie en annexe. Il n'est donc pas mentionné dans cette partie le problème des ventes liées logiciels-matériels (notamment l'installation de Windows sur presque tous les PC vendus en grande surface) ou celui du respect de formats vraiment ouverts. Par contre, la position dominante de Google dans la recherche et le domaine de la régie publicitaire en ligne est bien mentionnée. Les accords entre Yahoo et Microsoft ainsi que la sortie de Bing n'ont donc pas été suffisants pour abattre Google : l'UMP est appelée au secours.
Notons cependant que le rapport mentionne la faible contribution fiscale des acteurs du numérique au regard des chiffres d'affaires générés. Les députés songeraient-ils à des éditeurs installés en Irlande pour vendre leurs produits en France ? De même, le seul site d'éditeur mentionné dans les liens recommandés par Ethique du Numérique, c'est encore une fois Microsoft.
La vision de l'éthique numérique selon l'UMP
La publication du rapport « Ethique du Numérique » fait couler beaucoup d'électrons et est cocasse à plus d'un point de vue. Notamment par ses attaques contre Google et son soutien indéfectible à Microsoft.