Dans la mobilité aussi, les métadonnées deviennent un enjeu primordial pour les entreprises. C’est cet appel à la prise de conscience qu’a lancé Lionel Baraban, fondateur et directeur général de Famoco pour la keynote d’ouverture du salon Mobility for business qui se tient au parc des expositions de la porte de Versailles à Paris les 17 et 18 octobre. Si peu de spectateurs étaient présents à cette introduction au début, les sièges se sont progressivement remplis, à mesure que le speaker avançait dans son « coup de gueule ». Après avoir entendu le président de la République, Emmanuel Macron, évoquer la souveraineté numérique de la France lors de son allocution post remaniement, mardi soir, M. Baraban, lui, pose la question de la souveraineté de la France non plus sur ses données mais sur ses métadonnées face aux Google ou Baidu qui tendent à devenir « les bases de données du monde » d’après le fondateur de Famoco.
A l’heure où Android domine le marché des OS mobiles, Lionel Baraban alerte sur les menaces qu’un acteur comme Google peut faire peser sur un business en collectant non pas les données qu’une entreprise collecte mais sur les métadonnées des appareils qu’elle utilise. Le raisonnement de M. Baraban est le suivant. Google collecte des données sur l’utilisation des batteries de nos appareils Android pour améliorer en permanence son utilisation. Mais un algorithme permet à la filière de Mountain View de faire le lien entre la cellule mobile avec laquelle l'appareil émet et sa batterie. « Plus vous êtes près de la cellule moins vous consommez et inversement » explique-t-il. « Conclusion : avec ces deux données, je sais où vous êtes. Donc pour Google, récupérer les informations de la batterie, ça veut dire géolocalisation. »
Un mouvement de « décolonisation digitale »
Ainsi, récupérer ces métadonnées peut avoir un impact direct sur l’activité d’une société. Prenons le cas d’une entreprise de nettoyage employant du personnel de ménage. L’employeur a donné à ses salariés des appareils sous Android. Si quelqu’un récupère leurs données de localisation, il va savoir deux choses : où les salariés interviennent et à quelle fréquence. Une banque saura ainsi où ont lieu les transactions et à quelle fréquence. « Donc si je veux prendre le marché de cette entreprise, j’ai un outil fabuleux d’intelligence économique qui me permet d’attaquer cette société. Ces outils sont en vente aujourd’hui puisque c’est ce que nous vend Google avec les AdWords, etc. » Et le directeur de Famoco rappelle que ni la Cnil, ni le RGPD ne prennent en compte ces données-là, « les métadonnées sont hors toutes réglementations ». D’après lui, du point de vue de la métadonnée, le BtoC est mort car en sortant de nos smartphones, elle est polluée et difficile à interpréter. « Mais la métadonnée sortant du terminal de contrôle d’un contrôleur SNCF, celle sortant de celui du postier, du policier, des terminaux de paiement, c’est un petit bijou pour le big data, l’intelligence artificielle, etc. Elle est pure, non polluée par tout un tas d’informations qui vont m’empêcher de la comprendre. »
C’est pourquoi le directeur général de Famoco souhaite engager un « mouvement de décolonisation digitale » car selon lui, les entreprises sont aujourd’hui sous domination des GAFA. « Sous mandat britannique [de 1858 à 1947, Ndlr], l’Inde avait eu droit de cultiver le coton mais n’avaient pas droit le tisser. Parce que tisser le coton était un métier noble, celui des Anglais. Dons les Indiens cultivaient le coton, l’envoyaient par bateau en Angleterre qui le coton était tissé et revendu à pris d’or. C’était ça la colonie. Et bien nous, à l’égard de la donnée, nous sommes les Indiens sous mandat britannique. » Mais alors comment faire, demande-t-on dans l’assemblée. Comment engager ce mouvement ? Il faut d’abord en parler selon M. Baraban, mettre les acteurs au courant. Ensuite le DG de Famoco conseil de développer des OS pour terminaux professionnels avec des solutions open source. Pour Android, il déconseille donc fortement d’utiliser la version grand public de Google mais AOSP, la version libre de l’OS. Lionel Baraban cite notamment l’Anssi qui a équipé les gendarmes d’appareils « libres de métadonnées » dont l’OS a été développé en interne.