L'affaire commence en 2005 où Orange remporte un lot d'un appel d'offres pour l'Agence pour le Gouvernement de l'administration électronique (ADAE), afin de concevoir et de réaliser un portail intitulé "Mon Service Public" qui a fonctionné de début 2009 au 1er juillet 2016. Ce portail simplifiait les démarches en lignes des usagers grâce à un accès unifié, à savoir par un seul acte d'authentification à des services administratifs en ligne, proposés par des administrations partenaires, au moyen d'une plate-forme logicielle IDMP (Identity management Platform). Pour cette dernière, Orange a eu besoin d'utiliser la bibliothèque de gestion d'identité, Lasso, édité par la société Entr'ouvert. Ce logiciel est sous licence libre en version GNU GPL v.2, qui présente des caractéristiques particulières, imposant à son utilisateur diverses obligations (plus contraignantes qu'une licence GNU LGPL). Entr'ouvert a lancé une action en saisie-contrefaçon.
Le motif de cette action était qu'Orange a fait une présentation trompeuse des conditions d'exploitation de Lasso auprès de l'ADAE en indiquant que le logiciel se trouvait dans un module autonome. Pour l'éditeur, le logiciel Lasso est complémentaire de la plateforme IDMP. Or Entr'ouvert a constaté que son logiciel a été modifié « en quantité et importance considérables afin d'assurer sa compatibilité avec l'appel d'offre ». Dés lors, Orange avait l'obligation de publier le code source de Lasso.
La nature contractuelle de la licence d'un logiciel libre
Toute la question résidait dans le rapport entre les deux sociétés. L'éditeur soutenait que les violations de la licence étaient soumises au droit de propriété intellectuelle d'où l'action en saisie-contrefaçon et demandait réparation pour cette violation. Du côté d'Orange, on estime que le régime contractuel doit s'appliquer et que l'action diligentée par Entr'ouvert devait être jugée irrecevable.
Le TGI de Paris a suivi les arguments de l'opérateur en soulignant que la licence d'un logiciel libre est un contrat. « Ce contrat est un contrat d'adhésion, dont les clauses ne peuvent pas être discutées et négociées par celui qui s'oblige, mais qui comporte néanmoins, contrairement aux affirmations du demandeur, des obligations réciproques à charge de chacune des parties », précise la juridiction. Elle ajoute, « Entr'ouvert poursuit en réalité la réparation d'un dommage généré par l'inexécution par les sociétés défenderesses d'obligations résultant de la licence et non pas la violation d'une obligation extérieure au contrat de licence ». In fine, la relation entre la société Entr'ouvert et les sociétés Orange pour l'utilisation de la licence est donc de nature contractuelle.