Tout le monde attend avec impatience la sortie -probablement à l'automne- de la nouvelle version du RGI, le Référentiel Général d'Interopérabilité. Ce texte réglementaire vise à fixer clairement les normes à appliquer au sein des services informatiques de l'administration d'Etat. Vue la place importante de l'administration en France, ce RGI est attentivement regardé par toutes les entreprises. Logiquement, la rédaction du RGI est aujourd'hui entre les mains de la DISIC, la DSI groupe de l'Etat.
Depuis quelques jours, des rumeurs circulent sur le retour de la Guerre des Formats Bureautiques. Celle-ci avait alimenté un long feuilleton il y a maintenant plus de sept ans. D'un côté, on trouvait les tenants des formats ouverts normalisés (et éventuellement des logiciels libres avec IBM, Google...), de l'autre il n'y avait guère que Microsoft et ses partenaires habituels.
La guerre de sept ans
Alors qu'un peu partout dans le monde les premiers triomphaient, Microsoft avait accepté de faire normaliser son nouveau format bureautique implémenté à partir de Office 2007, l'OOXML. Et, surtout, le format OpenDocument (ODF) avait été nativement supporté par la suite bureautique de Seattle. La première version du RGI acceptait donc les deux formats. Bref, le monde était en paix, même si c'était une paix armée. Aujourd'hui marginalisé, l'éditeur canadien Corel, actuel diffuseur de la suite Wordperfect (un temps connue sous le nom Corel Office), avait choisi dès le départ de ne pas choisir et d'implémenter les deux formats.
Depuis, les lignes n'avaient guère bougé. La normalisation d'OOXML permet aux suites concurrentes de celle de Microsoft d'ouvrir les documents utilisant cette norme mais l'implémentation reste imparfaite. De son côté, Microsoft ne suivait pas forcément toujours très bien l'évolution de la norme ODF. Comme toutes les normes, celles des formats bureautiques sont en effet vivantes : il convient donc de veiller à garder à jour les logiciels, même sans attendre l'officialisation d'une nouvelle version d'une norme, ce qui prend un peu de temps.
L'interopérabilité et la concurrence au coeur du débat
La bataille a un enjeu considérable : l'interopérabilité. Et cette interopérabilité implique un deuxième enjeu : la concurrence. Il est impossible que deux entités utilisent deux suites bureautiques différentes (ou potentiellement différentes) si ces deux entités sont amenées à échanger des documents... sauf si le format utilisé est interopérable. Imposer un format non-interopérable, c'est donc verrouiller un marché. On parle ici par milliards d'euros.
La bataille aurait donc repris. La DISIC, selon les rumeurs, souhaiterait faire d'ODF le format bureautique unique de l'administration d'Etat. Microsoft ne serait évidemment pas content et tenterait d'imposer son OOXML au moins à égalité avec le précédent. Côté partisans du logiciel libre, l'APRIL*, une association militante, diffuse sur son site ce qu'elle présente comme une version de travail du nouveau RGI. Le texte n'est pas tendre avec OOXML et place bien ODF comme format bureautique pratiquement unique pour les administrations d'Etat. En attendant la prochaine manche.
* Précisons que de nombreuses collectivités publiques adhèrent à l'APRIL, notamment depuis le printemps une troisième région, Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA).