La Gendarmerie nationale mène régulièrement des enquêtes auprès de ses personnels, afin de recueillir leur avis sur différents sujets en lien avec leur carrière ou l'organisation. Pour industrialiser ce processus, pendant longtemps traité en partie de façon manuelle, l'institution militaire a choisi de s'appuyer sur la solution de Qualtrics. À l'occasion d'une conférence organisée par l'éditeur début juillet à Paris, le général Patrick Touak, sous-directeur des systèmes d'information à la Gendarmerie nationale, est revenu sur ce projet, en détaillant différents cas d'usages mis en oeuvre.
Après avoir découvert la solution Qualtrics lors d'une présentation organisée par l'éditeur SAP, qui fournit le système d'information RH de la Gendarmerie, la DSI décide de l'évaluer. « Celle-ci répondait à un vrai cas d'usage, l'écoute des militaires dans le contexte de transformation de la Gendarmerie nationale », témoigne le général Patrick Touak, pour qui nulle transformation d'une organisation ne peut aboutir sans écouter celles et ceux qui la composent. Auparavant, le sous-directeur des SI avait déjà testé un outil de sondages en open source afin de solliciter l'avis de 700 gendarmes sur un sujet de transformation, mais ce dernier s'était révélé très mal adapté en termes d'exploitation des résultats. « La solution Qualtrics nous a plu par sa simplicité d'utilisation, tant dans la construction que dans le partage des enquêtes, mais aussi et surtout pour l'exploitabilité des résultats », explique le général Touak. « L'objectif était de démocratiser les enquêtes auprès de nos collaborateurs, tout en soulageant la personne qui s'occupait de traiter les retours. »
La relation avec les gendarmes comme périmètre initial
L'ensemble des solutions mises en oeuvre par la Gendarmerie font l'objet d'une évaluation approfondie, afin de garantir que les équipes IT internes puissent les mettre en oeuvre et les opérer de la façon la plus autonome possible. « Nous sommes dans un modèle d'usage maîtrisé, dans lequel nous sommes notre propre intégrateur, avec un périmètre bien délimité », précise le général Touak. « Mon obsession lorsque j'étudie des solutions, c'est le coût total de possession, est-ce que celui-ci est soutenable dans la durée ? » La solution de Qualtrics a donc été soumise à ce processus, et les réponses se sont révélées positives. La Gendarmerie a donc décidé de mettre en oeuvre l'outil sur le périmètre de la relation avec les gendarmes, soit environ 100 000 personnels actifs, ainsi que 31 000 réservistes.
Au démarrage, l'équipe chargée du projet s'est fait accompagner par Qualtrics, ainsi que par un partenaire afin d'accélérer. L'intégration s'est déroulée de façon assez fluide : le principal enjeu concernait la connexion de la solution en mode SaaS avec le SIRH SAP hébergé on-premise, de façon à pouvoir automatiser les enquêtes tout en garantissant la sécurité et l'anonymisation des données. Pour y parvenir, la liste des destinataires de l'enquête est construite dans le SIRH, puis celui-ci transmet ensuite un simple identifiant à Qualtrics, qui ne reçoit aucune donnée personnelle. L'ensemble des échanges sont par ailleurs chiffrés, avec des clefs maîtrisées par la Gendarmerie.
Des taux de retours significatifs
Une fois les phases de contractualisation et de déploiement achevées, l'équipe projet a voulu montrer rapidement la valeur de la solution. « En quelques semaines, nous avons mis en place une enquête de masse, portant sur plusieurs milliers de collaborateurs. Au total, moins de neuf mois se sont écoulés entre la décision initiale et cette première application », relate le général Touak. Depuis, plusieurs autres enquêtes ont suivi. « Nous avons par exemple réalisé avec Qualtrics un sondage auprès des réservistes, pour savoir si ceux-ci seront disponibles lors des Jeux olympiques 2024 et s'ils auront le cas échéant la capacité à travailler dans une autre région que celle où ils résident. Nous avons obtenu presque 50% de retours, ce qui a permis au commandant des réservistes d'avoir des résultats significatifs pour la planification », illustre Patrick Touak. En 2023, un autre cas d'usage a été mis en oeuvre par la direction RH. Celle-ci a sollicité 2000 officiers qui allaient être mutés cette année, pour recueillir leur avis sur le processus. « Sur ces enquêtes, nous obtenions habituellement 75% de retours, là nous sommes à plus de 80% », souligne le général Touak, qui donne encore un autre exemple. « Nous avons aussi interrogé les experts du Pôle judiciaire de la Gendarmerie (PJGN) sur les éléments à faire évoluer pour inciter davantage de personnes à s'orienter dans ces carrières, et plus de 80% d'entre eux ont répondu. »
Actuellement, la DSI travaille sur l'intégration progressive de plusieurs centaines d'enquêtes existantes, notamment celles destinées à recueillir l'avis des officiers qui vont régulièrement suivre des formations au Commandement des écoles. Ces enquêtes ont des périmètres très variables en termes de volumétrie, allant de quelques dizaines de personnes à plusieurs milliers. En parallèle, l'équipe améliore la solution afin d'automatiser au maximum la réalisation des enquêtes. « Par exemple, lorsqu'un gendarme va en formation, cette information va dans le SIRH : l'idée serait de pouvoir directement déclencher une enquête à la fin de la formation, en automatisant la construction de la mailing-list », explique le général Touak. La DSI veille également à appliquer la logique du « dites-le-nous une fois » dans le SIRH, de façon que Qualtrics ne représente pas une charge additionnelle, obligeant les utilisateurs à resaisir certaines informations. Enfin, l'équipe s'intéresse également aux fonctionnalités de redressement des résultats. « La Gendarmerie rassemble en effet des typologies de populations très différentes. Il faut pouvoir exploiter les retours des enquêtes sans pour autant dévoyer le sentiment général, même si une population donnée répond moins et qu'il existe une asymétrie dans les retours par rapport à la population réelle », indique le général Touak.
Formation et gouvernance
De ce projet, le général Touak tire deux conseils. Il souligne tout d'abord l'importance de la formation préalable des collaborateurs pour faciliter l'adoption, rassurer et montrer que la solution ne va pas se traduire par une charge de travail supplémentaire. Par ailleurs, face à la puissance de l'outil, il préconise de mettre en place une gouvernance globale, « afin de ne pas solliciter dix fois de suite les mêmes personnes au cours d'une année. »
À plus long terme, la DSI de la Gendarmerie n'exclut pas d'étendre la solution à d'autres périmètres ou cas d'usages, en l'ouvrant par exemple à la Police nationale, ou en l'exploitant sur le volet de la relation avec les usagers, pour recueillir par exemple des avis sur son portail de recrutement ou solliciter l'avis des élus locaux sur certains sujets.