Twitter avait été assigné en référé (procédure d'urgence) par l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) et plusieurs autres associations, après la diffusion en octobre de tweets reprenant les mots clés #unbonjuif et #unjuifmort. Le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a ordonné à Twitter de communiquer "dans les quinze jours" à ces associations les données permettant d'identifier les auteurs des tweets "manifestement illicites", dont les comptes avaient été désactivés en octobre 2012. Si elle ne respecte pas ce délai, elle devra payer 1 000 euros par jour de retard.
"Nous allons pouvoir poursuivre les auteurs qui étaient à l'origine de ce record de messages de haine sur Twitter", s'est félicité devant la presse le président de l'UEJF Jonathan Hayoun. L'avocat de l'UEJF, Me Stéphane Lilti, a espéré que cette "excellente" décision "proscrira à l'avenir le sentiment d'impunité qui fait le lit de toutes les dérives".
Twitter n'a pas immédiatement réagi. "Nous étudions la décision", a dit un porte-parole. A l'audience du 8 janvier, l'avocate de la société, Me Alexandra Neri, avait affirmé que les données étant "collectées et conservées aux Etats-Unis", un tel jugement français devrait être ratifié par un juge américain. Me Lilti avait objecté qu'une telle procédure se heurterait au fait que "le Premier amendement de la Constitution américaine organise une liberté d'expression quasiment sans limites" outre-Atlantique.
Légitime
Si la plateforme de microblogging ne se conformait pas à ce qui lui est demandé, "son président engagerait sa responsabilité pénale devant les juridictions françaises", a averti l'avocat de l'UEJF. Le juge des référés Anne-Marie Sauteraud a estimé qu'il existait "un motif légitime" pour les associations d'obtenir les données demandées. Elle a notamment souligné que "les règles de Twitter indiquent que +les utilisateurs internationaux acceptent de respecter toutes les lois locales concernant la conduite en ligne et le contenu acceptable+".
Elle a cependant rejeté une autre demande présentée par le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap) portant sur les mots clés #simonfilsestgay, considérant que "cette association n'est pas recevable à agir contre l'homophobie" et #simafilleramèneunnoir, estimant que "les messages litigieux ne sont pas suffisamment déterminés". Le tribunal a également ordonné à Twitter "de mettre en place dans le cadre de la plateforme française" un dispositif "facilement accessible et visible", permettant aux utilisateurs de lui signaler "des contenus illicites, tombant notamment sous le coup de l'apologie des crimes contre l'humanité et de l'incitation à la haine raciale".
Marc Knobel, président de l'association "J'accuse!... action internationale pour la justice" a jugé important de "rappeler qu'en France, le racisme et l'antisémitisme ne seront jamais des opinions, ce sont des délits". Sur Twitter, les premières réactions étaient contrastées. "La chasse aux sorcières commence... ", écrivait @Zestryon. "Le Très Grand Inquisiteur?", demandait @luigipas. "Bravo!", disait en revanche @MagalisansE. "La victoire de l'#UEJF oblige Twitter à prendre ses responsabilités. La protection des données s'arrête là où s'ouvrent haine et bêtise.", estimait @kevinsellem
SOS Racisme s'est "félicité" de cette décision qui "ouvre la voix à la fin du sentiment d'impunité des auteurs de propos racistes et antisémites sur Internet".