C'est un changement de culture et d'époque qui atteint La Française des jeux. L'organisme possède 31 millions de clients, soit plus d'un Français sur deux, tous âges confondus, et dispose de 35 000 points de vente, soit le double de La Poste. Pourtant, elle dispose finalement d'assez peu d'informations sur ses clients. La plupart d'entre eux ne sont pas identifiés, le jeu en boutique étant anonyme. Seuls les gagnants de lots de plus de 5000 € doivent obligatoirement être identifiés dans le cadre de la Loi Perben.
La culture de l'entreprise n'est donc pas historiquement orientée vers le traitement de données sur les clients mais vers le traitement des transactions opérées par la plus grande masse de ces clients. A l'inverse, depuis 2001, La Française des Jeux a développé le jeu en ligne sur Internet. Les clients concernés sont bien moins nombreux, ils sont environ 1,5 million mais ils sont cette fois identifiés. « Pour jouer en ligne, il est nécessaire de saisir de nombreuses informations et de nous envoyer une pièce d'identité par la Poste puis de valider son identité en ressaisissant un code que nous envoyons aux joueurs » détaille Juliette Delcourt, Directrice clients à La Française des Jeux. Les activités de ces joueurs sont tracées avec précision au travers des logs de connexion et des prises de jeux.
Au fil du temps, les jeux sont devenus plus nombreux et les attentes des clients plus importantes. Juliette Delcourt confirme : « nous connaissons nos clients en ligne depuis 2001 mais la situation s'est considérablement complexifiée ». De plus, le marché du pari sportif et hippique et du jeu de stratégie (poker...) a été bouleversé par l'ouverture à la concurrence en 2010. La Française des Jeux devait se doter d'outils informatiques plus sophistiqués. Dans ce domaine, la philosophie technique de la Française des Jeux était de développer un maximum de choses en interne. « 30 % de nos effectifs font partie de la DSI » rappelle Juliette Delcourt. Mais la base technique devait évoluer. « Avec l'ouverture à la concurrence, de nombreuses règles légales ont changé, nous obligeant à modifier nos systèmes » se souvient Juliette Delcourt.
Investir dans la gouvernance des données
Afin d'accompagner l'enrichissement de son offre de jeux sur internet, l'organisation devait aussi développer une relation commerciale plus adaptée avec les clients. Juliette Delcourt la définit ainsi : « il faut proposer aux clients les produits pertinents qui vont leur plaire et non plus tout proposer tout le temps ». Le but est de développer le chiffre d'affaires en ligne, y compris en mobilité, pour qu'il représente 10 % du chiffre d'affaires total. L'outil d'analyse devait donc être plus flexible, plus riche et permettre aux responsables marketing produits de réaliser des simulations. « La grande difficulté a finalement été de convaincre la Direction Générale d'investir des millions d'euros » se souvient Juliette Delcourt.
L'investissement était d'autant plus conséquent que l'objectif était de développer un système d'information décisionnel d'entreprise pouvant mieux traiter toutes les données, y compris celles issues des points de distribution physiques. La direction générale a fait valider l'investissement par des consultants externes.
Mais la révolution n'a pas été que technologique. « Il s'agit de révolutionner la culture de l'entreprise » martèle Juliette Delcourt. En effet, non seulement il s'agissait de reconstruire le système d'information de l'entreprise autour de clients désormais identifiés mais il fallait également retravailler toute la gouvernance des données.
« Suivre les données dans le temps, en vérifier la qualité, etc. sont autant de tâches très nouvelles chez nous et toute cette réflexion est à mener au plus tard en même temps que le développement de l'outil technique » observe Juliette Delcourt. Côté technique, La Française des jeux a opté pour un datawarehouse d'origine Teradata.
La Française des jeux investit dans la gouvernance des données
La concurrence sur les paris et les jeux en ligne monte en puissance. La Française des jeux devait réagir. Elle investit plusieurs millions d'euros dans un datawarehouse afin de mieux connaître ses clients. L'organisme entend réaliser 10% de son chiffre d'affaires en ligne.