D'abord attirée par la médecine, Susan Doniz a rapidement trouvé sa voie dans l'informatique. Elle a d'abord gravi les échelons dans le domaine chez Procter & Gamble, avant de devenir DSI de la compagnie aérienne australienne Qantas Airways. Elle a ensuite rejoint Boeing où elle occupe actuellement les fonctions de DSI et de responsable de l'analyse des données.
Elle attribue sa réussite en la matière à la curiosité qu'elle a développée en grandissant et en habitant hors des États-Unis, en particulier en Espagne et en Amérique latine. « Le style de leadership que je pratique aujourd'hui a beaucoup à voir avec cette curiosité, précise-t-elle. Qui plus est, je suis le type de personne qui apprend tout au long de sa vie. » Sa curiosité - et son goût pour des méthodes comme le design thinking - est motivée, comme elle l'explique, par le désir de « vraiment comprendre les choses et leur fonctionnement, plutôt que de se contenter de croire quelqu'un d'autre sur parole. »
Ainsi, pour endosser pleinement son rôle chez Boeing, Susan Doniz a d'abord expérimenté directement le travail dans les usines afin de comprendre pleinement les activités de son entreprise. Aujourd'hui, elle continue de passer du temps non seulement avec d'autres dirigeants et cadres, mais aussi avec des employés, des stagiaires et d'autres personnes au sein de l'informatique et de l'entreprise dans son ensemble. Des employés « au coeur de l'action tous les jours ».
Un moyen, selon la CIO, de mieux comprendre les processus de l'entreprise à un « niveau très personnel » et de s'imprégner de « ce que les employés essaient concrètement d'accomplir ». En outre, par ce biais, Susan Doniz s'efforce de se mettre à leur place. Ce qui, selon elle, est particulièrement important lorsque l'on gravit les échelons de la hiérarchie, car « plus on est haut placé, plus on perd de vue ce qui se passe réellement, parce que tout passe par de nombreuses couches ».
Des employés incités à donner le meilleur d'eux-mêmes
Par ailleurs, la CIO de Boeing a adopté une approche métier de l'informatique. Il ne s'agit donc pas de se contenter d'attribuer des projets aux informaticiens et de leur dire exactement quoi faire, mais de se concentrer sur « les résultats et sur les processus métier derrière les projets », comme elle le précise. Elle ajoute que ce modèle conduit aussi les employés à se sentir davantage engagés dans leur travail que si on leur assigne des tâches sans contexte ni objectifs associés. « Leur donner les outils, mais aussi la capacité de prendre leurs propres décisions, et supprimer la bureaucratie ou tout travail sans valeur ajoutée qui les entrave, permet de vraiment les motiver, poursuit-elle. C'est essentiel, parce que s'ils ne peuvent pas faire leur travail dans de bonnes conditions, ils partiront. »
Chez Boeing, l'importance accordée à la formation et à l'évolution de carrière renforce cette focalisation sur la satisfaction au travail et la rétention des équipes. Pour la DSI de l'avionneur, il est par exemple essentiel de former les managers à diriger efficacement leurs équipes. Mais aussi de réaliser que tout le monde ne peut, ni ne veut forcément suivre cette voie. Pour ceux qui souhaitent rester dans le domaine technique, Boeing propose ainsi des parcours de carrière pour évoluer sans avoir à passer à un poste de direction.
Le programme Technical fellowship de l'industriel est justement destiné à renforcer les compétences des travailleurs techniques de Boeing. Il compte trois niveaux principaux : associate technical fellow, technical fellow et senior technical fellow, poste de direction. Mais les employés peuvent également accéder au poste de principal senior technical fellow et de distinguished senior technical fellow, avec un niveau de vice-président. Boeing a mis en place cette voie d'évolution de carrière alternative pour éviter de voir ses meilleurs employés et experts partir dans d'autres entreprises pour progresser.
D'autant que dans l'industrie aérospatiale, les experts jouent un rôle central. « Nous en avons besoin en IA, en analyse de données et pour le cloud, insiste Susan Doniz. Pour lancer des objets dans l'espace et analyser les données provenant d'un avion - des volumes qui se mesurent en téraoctets -, il faut des compétences techniques très pointues. Il se peut que ceux qui en disposent ne veuillent justement pas devenir cadres, et c'est très bien ainsi. » Cette double approche du parcours professionnel « donne aux employés les moyens de pratiquer au mieux leur métier » tout en réduisant le turn-over de l'entreprise. Pour la DSI de Boeing, cet engagement en faveur de l'apprentissage tout au long de la vie doit être une philosophie de toute l'entreprise, et pas uniquement de l'informatique. Et elle nécessite de disposer des ressources adéquates. « Chez Boeing, vous pouvez étudier ce que vous voulez et l'entreprise soutiendra votre démarche ».
Se former pour suivre le rythme de l'innovation technologique
Mais au-delà de la formation, il s'agit aussi de permettre aux employés d'acquérir de nouvelles compétences dans leur travail, en donnant certains postes aux plus engagés et motivés, pour qu'ils développent leurs compétences et leur confiance en eux. « Nous avons par exemple peu de chances de trouver un informaticien avec deux ans d'expérience en IA générative, explique-t-elle. C'est pour cela que nous veillons à offrir de nouvelles opportunités aux personnes qui ont montré qu'elles étaient curieuses, capables de fournir des résultats et d'apprendre. »
Enfant, Susan Doniz n'aurait jamais envisagé une carrière dans la technologie. Selon elle, beaucoup de gens pensent ne pas avoir les compétences pour ce type de parcours, ou ont grandi dans un endroit où ils n'avaient pas les ressources nécessaires pour apprendre et y accéder. Mais elle reste convaincue que la technologie ne se résume pas à l'envie de comprendre comment fonctionne un ordinateur. « C'est vraiment une question de personnes, insiste-t-elle. J'encourage les gens à envisager des carrières dans la technologie, car on ne peut pas être un bon informaticien si on ne s'intéresse pas à tous les processus de l'entreprise, de la finance au marketing, en passant par la production. J'ai l'impression d'avoir pu faire presque toutes les carrières parce que je m'intéresse à la technologie. Pourtant, je n'aurais sans doute pas pensé à cette voie quand j'étais petite fille. »