Dans son nouveau livre « Physics of the Future », le physicien théoricien américain Michio Kaku explique qu'une grave crise interviendra quand la loi de Gordon Moore - cofondateur d'Intel avec Robert Noyce - ne pourra plus s'appliquer. C'est à dire au moment où la lumière ultraviolette ne suffira plus pour graver des circuits toujours plus petits sur des plaquettes de silicium, un phénomène qu'il situe, compte tenu de l'évolution actuelle, dans moins d'une décennie. À ce moment-là , la loi de Moore commencera à décliner graduellement, avec un impact technologique et économique désastreux.
Le physicien fait valoir que les industries de l'informatique sont dépendantes de la sortie permanente de nouveaux produits offrant deux fois plus de puissance à échéance d'une ou deux années. Privées de loi de Moore pour augmenter les capacités de calcul des appareils, les industries ne pourront plus compter sur cette culture de l'upgrade, et leur chaîne de production s'en trouvera paralysée, parce que l'intérêt des consommateurs pour les produits risque fort de diminuer.
La fin de la Silicon Valley
« Vers plus ou moins 2020, la loi de Moore cessera progressivement d'agir et la Silicon Valley peut lentement se transformer en une vallée de la rouille, à moins de trouver une technologie de remplacement, » affirme Michio Kaku dans un extrait publié sur le site Salon.com. « Les transistors seront si petits que les électrons s'échapperont des fils. C'est la théorie quantique ou la physique atomique qui prendront le dessus.
À cette échelle, et compte tenu des lois de la physique, c'est la théorie quantique qui prédominera, » explique le physicien, en invoquant l'une des lois les plus redoutées de la science, Le Principe d'Incertitude d'Heisenberg. Son argument est on ne peut plus clair. À partir du moment où l'unité de base du traitement informatique - l'électron et son comportement mesurable à l'intérieur d'un fil - n'est plus maîtrisable, ce qui sera sûrement le cas à ces échelles, l'âge du silicium est terminé. Et à l'heure actuelle, la science ne dispose pas du moyen de savoir comment va se comporter un électron dans un transistor.
Une limite déjà formulée par Gordon Moore lui-même
Les déclarations du scientifique sur les limites de la loi de Moore ne sont pas nouvelles. Elles avaient été émises par Gordon Moore lui-même dès les années 1960. En 2005, le physicien trouvait même problématique l'application de l'exponentielle à l'environnement informatique actuel, alors que les déclarations des dirigeants d'Intel restaient optimistes.
Cependant, la thèse de Michio Kaku est intéressante, car elle se concentre sur les conséquences économiques liées à sa disparition qui rendrait les entreprises de haute technologie et des économies entières, très vulnérables. Celui-ci nous rappelle à quel point le monde est devenu dépendant de la puissance des ordinateurs, dont on imagine la croissance illimitée comme acquise. Par exemple, la puce que l'on peut trouver à l'intérieur des cartes d'anniversaire a plus de puissance de traitement que celle dont pouvaient disposer les Alliés en 1945. « Hitler, Churchill, ou Roosevelt aurait peut-être commis des crimes pour se procurer cette puce. Mais que faisons-nous avec elle ? Après l'anniversaire, nous jetons la carte et la puce à la poubelle, » écrit-il.
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On trouve des arguments pour modérer son pessimisme et tempérer son extrapolation. En premier lieu, même si l'unité de base de la puissance de calcul peut cesser de croître à cause des barrières physiques, il serait possible de déployer cette puissance en parallèle pour en optimiser le rendement. Le monde devra réfléchir à la manière de multiplier cette unité de base pour la rendre plus performante, ce qui n'est pas vraiment la tendance actuelle, du fait que la loi de Moore continue à s'appliquer. Cela va donc demander du temps.Â
Plus avant, se profile aussi l'informatique quantique, et la mise au point d'un modèle pour effectuer des calculs capables de résoudre les problèmes à l'origine des inquiétudes émises par le physicien, qui lui font craindre un effondrement de l'âge informatique. Si l'idée est de laisser la science là où elle est restée bloquée pendant quelques années, il va falloir travailler pour dépasser le paradoxe d'Heisenberg.
Et si l'informatique quantique parvient à évoluer jusqu'à permettre des applications commerciales, certains pensent qu'elle posera de plus gros problèmes que ceux posés par la physique fondamentale pour construire des ordinateurs toujours plus complexes. La vraie question est de savoir à quoi serviront ces futures machines. En 2050, les ordinateurs quantiques pourraient être parfaitement adaptés pour résoudre les plus profondes énigmes de l'univers, mais peut-être pas pour créer l'équivalent de l'iPod.