Dix ans après la publication du « Manifeste pour un développement agile des logiciels », à l'initiative d'un groupe de développeurs et de consultants, ces pratiques ont essaimé au-delà de la sphère des développeurs, ainsi que l'ont expliqué les co-auteurs du texte à la conférence Agile 2011, à Salt Lake City. Une évolution qui fait aussi son chemin de ce côté-ci de l'Atlantique. Mathieu Gandin, consultant coach agile chez Octo Technology, confirme que la démarche « agile » entraîne des répercussions au-delà de la DSI. Il rappelle que l'accélération autour des projets agiles s'est opérée vers 2005/2006, alors qu'il n'y en avait jusque-là qu'un nombre restreint. « Les premiers retours d'expérience montrent que la démarche génère des impacts sur toute l'organisation dans laquelle travaillent les personnes impliquées », confirme-t-il. « Les personnes qui travaillent en mode agile cherchent à former une équipe orientée produits alors que nous travaillons généralement dans des organisations découpées par silos : direction métier, DSI, marketing... Dans ce contexte, passer à un projet agile implique de former une équipe avec tous ces acteurs -c'est-à -dire, un représentant des utilisateurs, une maîtrise d'ouvrage, des développeurs, des managers, des architectes, des personnes de la production...-, et de permettre la collaboration entre ces personnes. » Cette réorganisation touche aussi potentiellement la Direction des ressources humaines, explique-t-il, puisque les objectifs de chacun peuvent en être modifiés.
Travailler sur l'organisation
« La dynamique d'équipe va être différente, plus large, décrit Mathieu Gandin. Dans ces grandes entreprises, l'enjeu va donc consister à organiser une équipe autour d'un produit plutôt que par pôle d'activité. La façon dont on manage ces équipes ne sera pas la même. On sort donc progressivement du manifeste agile pour arriver à un travail sur l'organisation. Ce sont des choses sur lesquelles il faut travailler en tant que coach agile. Et dans le cas de petits projets au sein d'une grande structure, le coach agile va davantage travailler avec l'équipe sur l'amélioration de ses pratiques. »
Depuis 2001, l'agile est généralement perçu comme un axe d'amélioration. Mais il y a effectivement des entreprises où, en termes d'efficacité, on peut être en dessous de ce qui se faisait avant. Une enquête déjà ancienne, réalisée en 2008 par Scott Ambler, responsable de la méthodologie pour Agile et Lean chez IBM Rational Canada, montrait qu'une forte majorité des répondants (plus de 80%) estimaient que l'approche agile avait amélioré la productivité des équipes de développement, par comparaison avec les approches traditionnelles (amélioré sensiblement selon 60% et un peu selon 22%). En revanche, 13% ne voyaient aucun changement et 5% une productivité moindre.Â
Les nouvelles approches pour livrer plus vite
« Dans les premiers temps, la démarche agile s'est surtout centrée autour de deux mouvements assez forts, Extreme programming et Scrum, dont les promoteurs ont d'ailleurs participé au Manifeste, rappelle Mathieu Gandin. Aujourd'hui se sont également développées trois autres approches : Software Craftmanship qui met l'accent sur l'amélioration des pratiques de développement, DevOps, qui vise à fluidifier le plus possible le travail entre les développeurs et les exploitants, ainsi que Lean Startup. On peut voir ces évolutions dans les dix ans du manifeste. On a appris à rapprocher toutes les personnes qui vont de la production au développement pour livrer en quelques mois. »
Illustration : Les bonnes pratiques de la modélisation agile, selon Scott W. Ambler (source : site www.agilemodeling.com)
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Lean Startup, notamment, emprunte aux méthodes agiles et au lean management dans le cadre de la réalisation de nouveaux produits dans des conditions d'incertitude assez importantes, explique le consultant coach agile. « On va, par exemple, regarder régulièrement la manière dont les internautes utilisent le produit web pour vérifier si les hypothèses du début étaient bonnes ou pas et éventuellement les modifier. Ici, on va pouvoir s'aider des méthodes issues de l'Extreme Programming pour développer le produit logiciel plus efficacement et utiliser les principes de feedback pour savoir comment l'utilisateur se sert, ou pas, de l'application, afin d'adapter le produit logiciel en fonction de ces résultats. Ce sont des dimensions qui n'étaient pas autant explorées lors de l'écriture de Manifeste Agile. »
Des principes de base quelquefois malmenés
A la conférence Agile 2011, l'un des auteurs du manifeste publié en 2001, a par ailleurs regretté qu'il puisse y avoir quelquefois un manque de respect des principes de base associés au développement agile de logiciels. « Il y a eu un important nivellement par le bas du mode agile lorsqu'il a rattrapé la programmation 'waterfall' [en cascade]», a ainsi estimé Brian Marick. Pour d'autres co-auteurs, comme Ron Jeffries et Martin Fowler, tout le monde veut faire de l'agile et trop peu veulent le faire bien, le deuxième constatant que, parfois, certains se réclamant d'agile n'en font pas en réalité, ce qu'il estime être une conséquence du succès rencontré par ce mouvement.Â
Interrogé sur cet aspect des choses, le consultant coach agile chez Octo Technology pense que les problèmes liés au manque de respect des principes de base surviennent « lorsque les méthodes agiles sont imposées à une équipe de développement qui n'est pas motivée par ce type de pratiques ».  Il juge important, pour l'éviter, que le coach agile puisse travailler suffisamment en amont avec l'équipe de développement, afin d'évaluer ses motivations avant de démarrer son accompagnement vers un changement de méthode.
Illustration : Les bonnes pratiques de la modélisation agile, selon Scott W. Ambler (source : site www.agilemodeling.com)