Pour l’instant, peu de détails ont filtré sur la spécification de la mémoire DDR5, dont la publication est attendue. Mais, dès que le JEDEC (Joint Electron Device Engineering Council), un organisme de normalisation des semi-conducteurs qui fait partie de l’Electronic Industries Alliance, s’emparera du sujet, tout le monde saura ce qu’elle contiendra. Heureusement, il ne sera pas nécessaire d’attendre jusque-là : le fabricant sud-coréen SK Hynix a récemment livré de solides informations sur la future spécification.
Lors de sa sortie en 2014, la mémoire DDR4, ou Dynamic Data Rate version 4, offrait des vitesses de 1600 MHz pour finalement atteindre les 3200 MHz pour les versions extrêmes, la plupart des DRAM se situant dans la gamme des 2000 MHz. À l'époque, ces vitesses étaient suffisantes : les meilleurs processeurs Xeon d'Intel intégraient huit cœurs seulement, et AMD était largement loin du compte. Six ans plus tard, soit en 2020, AMD a fortement progressé : le fabricant livre désormais des processeurs 64 cœurs, et Intel produit des puces à 28 cœurs, promettant même une puce à 48 cœurs. Ampere fait la promotion d'un processeur serveur 80 cœurs basé sur Arm, et Marvell produit un processeur Arm 96 cœurs appelé ThunderX3.
Jusqu'à 8400 MHz pour la DDR5
Brusquement, la mémoire à 3200 MHz n’est donc plus suffisante. De plus, les ensembles de données pour l'IA et l'apprentissage machine étant de plus en plus volumineux, ce manque de performance de la mémoire devient un véritable goulot d'étranglement. La DDR5, qui offrira des vitesses de 3200 MHz dans un premier temps, et jusqu’à 8400 MHz plus tard, permettra de remédier à ce problème. Hynix prévoit que toutes ses mémoires DDR5 tourneront au minimum à 4800 MHz, et les vitesses inférieures serviront simplement à réduire la dépense d'énergie. Cela signifie que la bande passante des premières mémoires DDR5 sera 50 % plus large que celle de la DDR4 et cela ne fera que croître. De plus, la consommation d'énergie diminuera légèrement, passant de 1,2 volt en DDR4 à 1,1 volt en DDR5.
Mises à part les améliorations classiques en termes de vitesse et de consommation énergétique, la DDR5 offrira également de meilleures performances grâce au « Same Bank Refresh ». Avec les mémoires DDR4, toutes les banques de mémoire doivent être rafraîchies simultanément, même si une seule des 16 bandes DIMM a vraiment besoin d’être rafraîchie, ce qui oblige le processeur à attendre le contenu d'une autre banque. Dans le cas de la mémoire DDR5, d’une part, le nombre de banques est doublé et passe à 32, mais la fonction « Same Bank Refresh » implique que chaque banque de mémoire est rafraîchie indépendamment, et que les autres banques restent accessibles au système. Cette configuration permet d'augmenter les performances et d’alimenter les cœurs de processeurs qui n’auront plus à attendre le rafraîchissement de toutes les banques.
Bande passante décuplée
« Le plus important avec la DDR5, c'est son haut niveau d'intégration », a expliqué Jim Handy, analyste principal chez Objective Analysis, un cabinet d'études spécialisé dans le marché de la mémoire. « Les personnes qui ont défini la spécification ont exploité le fait que la loi de Moore permet non seulement de réduire le coût par bit de DRAM, mais qu'il est aussi moins onéreux d'ajouter de puissantes unités logiques en nombre toujours plus important à la puce. Ils ont habilement utilisé cette caractéristique pour améliorer la largeur de bande CPU-DRAM, et déplacer le mur mémoire ou « Memory Wall » un peu plus loin ».
« Le Same Bank Refresh en est un bon exemple », a encore expliqué Jim Handy. « Jamais dans l'histoire de la DRAM, une puce n’a pu livrer de données pendant le rafraîchissement. Désormais, le Same Bank Refresh permet au processeur d'accéder à des données dans les banques qui ne sont pas en cours de rafraîchissement. Cela améliore considérablement la communication des données ».
Disponibilité de la DDR5
L’an dernier, une feuille de route d'Intel divulguée à la presse spécialisée indiquait que le fabricant de puces prévoyait de passer à la DDR5 et au PCI Express 5 (sans passer par le PCIe v4) en 2021. Micron a commencé à échantillonner de la DDR5, Hynix a déclaré qu'il prévoyait de démarrer la production en masse à la fin de cette année, et Samsung prévoit de lancer la production de DDR5 l’an prochain. Cela signifie que la production en masse de DDR5 démarrera en 2021, et la commercialisation à grande échelle de ces mémoires aura lieu en 2022. Les mémoires pour serveurs seront probablement les premières mémoires DDR5 disponibles, car la mémoire DDR5 aura peu d’incidence sur les machines desktop. Même si ces spécifications peuvent faire saliver les gamers et overclockers, la priorité sera probablement donnée au marché du « Big Iron », qui s'est rapidement heurté aux limites de la DDR4.