La CNIL « dissoute » par des manifestants
Plusieurs collectifs ont envahi les locaux de la CNIL vendredi 14 décembre 2007 pour protester contre la « complaisance » supposée de l'autorité administrative.
Aucun représentant de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) n'était disponible pour commenter l'invasion, le vendredi 14 décembre 2007, des locaux de l'autorité administrative par une centaine de manifestants issus de plusieurs collectifs associatifs (Coordination contre la Biométrie, « souriez, vous êtes filmés ! », Mouvement pour l'Abolition de la Carte d'Identité, etc.). Ces mouvements ont symboliquement prononcé la « dissolution » de la CNIL pour protester contre sa complaisance supposée dans un certain nombre de dossiers sensibles amenant à un fichage généralisé de la population.
Historiquement, c'est pourtant pour lutter contre ce fichage généralisé que la CNIL a été créée en 1978, faisant suite aux réflexions menées après l'éclatement du scandale Safari en 1974. Le « Système automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus » (Safari) visait à croiser tous les fichiers administratifs dans un vaste répertoire de la population avec comme clé unique le numéro national d'identification (dit « numéro de sécurité sociale »).
D'après les manifestants, la complaisance de la CNIL a permis la multiplication des projets attentatoires aux libertés, aussi bien dans le secteur public que dans les entreprises : tolérance vis-à -vis des spammeurs, autorisation du flicage des internautes par des entreprises privées pour « lutter contre le piratage », dossiers médicaux détenus par des assureurs, multiplication des usages de la biométrie, passes pour les transports genre Navigo...
Les protestataires dénoncent trois illusions : l'indépendance de la CNIL, sa capacité à faire respecter les droits individuels et sa volonté de protéger les libertés.
Protection des libertés ou technophobie
La CNIL n'a cependant jamais eu vocation à interdire les traitements nominatifs mais simplement à en encadrer l'usage pour éviter les dérives. Force est de constater que si la CNIL ne remplit pas toujours tous ses rôles, souvent faute de moyens (notamment dans la lutte contre le spam ou dans les contrôles des fichiers de police), beaucoup des critiques des manifestants dissimulent, non pas un désaccord avec la CNIL sur l'équilibre entre liberté individuelle et utilisation d'informations nominatives, mais bien un refus caractérisé de toute utilisation de données nominatives.
Plus que de protection des droits dans une société numérique, il faut donc voir dans le message des manifestants un refus de la société numérique dont l'existence ne peut que s'accompagner d'un certain flicage : comment payer en ligne un service ou recevoir un bien commandé par correspondance sans laisser une trace quelconque de ses coordonnées bancaires ou de son adresse postale ?
A trop dénoncer, les manifestants risquent de déconsidérer les critiques légitimes lorsque la CNIL accepte (ou est contrainte d'accepter par le Législateur) des traitements réellement attentatoires aux libertés