La Commission Européenne veut faire le ménage sur d’éventuelles concentrations illégales des entreprises du secteur du commerce en ligne. L'objectif de cette enquête sur la concurrence, annoncée il y a 2 jours mais proposée en mars par la commissaire à la concurrence Margrethe Vestager, est d’identifier les éventuelles barrières au commerce transfrontalier en ligne pour les appareils électroniques, le contenu numérique, l’habillement et les chaussures. C’est une des 16 initiatives destinées à instaurer un marché unique des biens et des services numériques en Europe. La Commission soupçonne que des restrictions contractuelles dans les accords de distribution empêchent les détaillants à vendre des biens ou services achetés en ligne à des clients dans d'autres pays de l'UE.
L'enquête veut évaluer l’impact de ces éventuelles contraintes et leurs effets sur la concurrence et la consommation. « Si ces restrictions sont anticoncurrentielles, nous n’hésiterons pas à prendre des mesures coercitives en vertu des règles antitrust de l'UE », a déclaré Margrethe Vestager dans un communiqué envoyé par mail. Les entreprises, fabricants, grossistes et détaillants dans le e-commerce peuvent s’attendre à recevoir une demande d'information de la Commission dans les prochaines semaines. Celle-ci compte publier ses premiers résultats mi-2016.
Les coûts de livraison dans la ligne de mire de la Commission
Faciliter le e-commerce transfrontalier pour les consommateurs et les entreprises est une des priorités de la Commission. Celle-ci prévoit d'harmoniser les règles sur les contrats et la protection des consommateurs pour les achats en ligne afin de renforcer la confiance dans l’achat et la vente de produits entre pays de l’UE. La Commission proposera également des mesures pour rendre les coûts de livraison plus abordables : 62 % des entreprises qui essayent de vendre leurs produits en ligne estiment que les coûts excessifs de la livraison sont un obstacle. La Commission veut également mettre fin au géoblocage injustifié. Certains vendeurs en ligne empêchent les consommateurs d'accéder à un site Web en fonction de leur localisation géographique, ou les redirigent vers une boutique locale dont les prix sont différents. « Nous pourrons faire des propositions législatives pour lutter contre ce géoblocage avant la fin de l'année », a déclaré la commissaire. La Commission veut aussi de revoir les règles relatives à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour alléger la charge administrative des petites et moyennes entreprises notamment, de sorte que les vendeurs de biens physiques à d'autres pays puissent également bénéficier de l'enregistrement et du paiement électronique unique.
Mais cette enquête sur le e-commerce concernera aussi les entreprises technologiques. Dans le cadre de sa stratégie numérique pour un marché unique Digital Single Market, la Commission va en effet « s’intéresser de près » au rôle des plateformes en ligne, moteurs de recherche, médias sociaux et boutiques d’applications inclus. L’enquête, qui sera réalisée avant la fin de l'année, va probablement cibler des géants américains comme Google, Apple et Amazon.com.
Jeter les bases de l’économie numérique de l’Europe de demain
Elle devrait passer au crible les politiques de prix, la transparence des résultats de recherche, et l'utilisation des informations personnelles par les entreprises. Elle cherchera également à savoir si les plateformes font la promotion de leurs propres services au détriment des concurrents, « seulement dans le cas où ils ne sont pas déjà couverts par le droit de la concurrence », a ajouté la Commission. Cela signifie que l’enquête va prendre le pas sur l’enquête antitrust existante menée par la Commission sur les services de recherche de Google. En avril, la Commission a déposé une plainte antitrust contre cette société. Elle accuse l’entreprise californienne d’abuser de sa position dominante dans les services de recherche sur Internet en Europe en favorisant systématiquement son propre service de comparaison des prix. La Commission va également enquêter sur la livraison des applications Google en bundle avec le système d'exploitation mobile Android.
La stratégie numérique de la Commission a pour objectif de jeter les bases de l'économie numérique de l'Europe de demain, et en tant que telle, elle veut donner aux startups européennes une meilleure chance de se développer et favoriser le développement de réseaux de télécommunications intercontinentaux en Europe. Un volet concerne également la réforme des règles sur le droit d'auteur. Avant la fin 2015, la Commission proposera des solutions pour réduire les écarts entre les régimes nationaux de droits d'auteur et permettre un accès plus large à des œuvres en ligne à travers l'UE. Dans le cadre de cette réforme, les gens qui achètent des films, de la musique ou des articles en ligne dans un pays devraient pouvoir y accéder à partir d'autres pays. Dans le même temps, la lutte contre les infractions aux droits de la propriété intellectuelle sera renforcée. Le contenu de ces projets sera précisé d’ici la fin 2016. Mais ils auront besoin du soutien du Parlement européen et du Conseil de l'UE pour devenir réalité.