Après l’évocation par Oracle du transfert de Java Entreprise Edition (Java EE) à une fondation open source indépendante, toujours inconnue, certains se demandent si l’éditeur pourrait faire de même avec Java Standard Edition (Java SE). Certes, un tel passage de témoin, s’il avait lieu, aurait des avantages. Il pourrait notamment attirer plus de développeurs vers la communauté Java. Mais, cette éventualité paraît fort peu probable pour l’instant.
D’ailleurs, Oracle a déclaré qu'il n’envisageait rien de ce genre actuellement. Pourtant, si l’éditeur se désengageait de la plate-forme, la place ne manquerait pas pour d’autres contributeurs. Mieux encore, la fin du contrôle d'Oracle pourrait inciter d'autres entreprises à participer davantage à Java, notamment IBM, Red Hat et SAP qui ont déjà contribué à la plateforme. Mais dans la situation actuelle, les entreprises et les développeurs individuels n’ont pas très envie d’alimenter une plateforme qui bénéficiera surtout à un éditeur majeur de l'industrie, lequel pourrait de surcroit être un concurrent.
Attirer de nouveaux contributeurs
La délégation de Java SE à une fondation open source pourrait également attirer de nouveaux contributeurs vers la plate-forme. Un pool d'experts plus importants permettrait à Java de prendre de nouvelles directions et mettrait aussi plus de compétences à disposition pour corriger les insuffisances actuelles de Java, notamment en matière de sécurité. Si la communauté open source se saisit de l’opportunité et augmente sa participation, le langage et la plate-forme, en service depuis 22 ans, pourraient bénéficier d’une bonne cure de rajeunissement. Quant à Oracle, il serait libre d’allouer ses ressources à d’autres activités, aussi bien sa base de données, ses applications que ses offres cloud. Et l’éditeur serait toujours libre de générer des revenus de produits et services Java en licenciant ses technologies.
Aujourd'hui, malgré l’implication d'autres contributeurs, Oracle reste maître du jeu. Actuellement, Java SE est développé sous les auspices de l’OpenJDK. Et, comme le stipule le Java Community Process (JCP), toutes les modifications techniques officielles sont soumises à un vote. Des entreprises comme IBM et Red Hat ont contribué de manière importante au processus de développement de Java SE, à niveau égal de ce qu’elles ont fait pour Java EE. Mais qu’on ne s’y trompe pas : la véritable orientation de Java SE est déterminée par les responsables d'Oracle, notamment Mark Reinhold, architecte en chef du Java Platform Group. Oracle, qui a hérité de la gestion de Java lors du rachat en 2010 de Sun Microsystems, est également à l’origine de plusieurs Java Specification Requests (JSR) qui lui ont permis de modifier Java dans le JCP. Enfin, Oracle a été le chef de file de la prochaine version majeure de Java SE, Java Development Kit 9, programmée pour le 21 septembre et de Java EE version 8, attendue prochainement.
Oracle reste sous pression
Malgré les avantages que tirerait Java SE d’une délégation de contrôle, Oracle semble vouloir s'accrocher à son rôle d'administrateur du développement du JDK. Mais cela pourrait changer compte tenu des relations tumultueuses et les désaccords existant entre Oracle et certaines parties de la communauté Java, aussi bien sur Java SE que Java EE. L’an dernier, Oracle a été vivement critiquée pour son manque d'intérêt pour Java EE, incitant l’éditeur à annoncer dans un premier temps une relance de la plate-forme, puis le transfert de son contrôle à une fondation open source. Sa façon de gérer Java SE n’a pas été épargnée non plus : récemment, IBM, Red Hat et d'autres se sont opposés à son projet de modularisation de Java, avant d’accepter, pour l’instant, un compromis sur la modularité. Mais rien ne dit qu’à un moment donné Oracle ne trouvera pas plus simple de céder le contrôle du développement de Java à une entité indépendante plutôt que d’avoir à résoudre des conflits récurrents avec ses partenaires.