Début 2020, la région Île-de-France a lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) « accompagnement des territoires » pour une logistique à l’impact environnemental réduit. Cette démarche, issue de la stratégie fret et logistique régionale votée en 2018, avait en ligne de mire l’attractivité de la région et la perspective des jeux olympiques 2024 à Paris en dopant la collaboration entre territoires et entreprises de la logistique. Mais la crise du covid-19 a renforcé encore davantage les besoins d’innovation dans la logistique de marchandises. Boom du e-commerce, changement de comportement des consommateurs, délais raccourcis, importance du dernier kilomètre, etc. L’AMI a reçu 43 dossiers de candidature de profils variés, parmi lesquels elle a élu 22 projets prometteurs. Elle leur a attribué 41 subventions de 7,7 millions d’euros dans le cadre de cet AMI. La région rappelle par ailleurs que la logistique compte pour 10 % de son PIB et emploie plus de 375 000 personnes sur son territoire.
Des places de choix pour le fluvial et le numérique
Les solutions multimodales sont nombreuses dans la sélection et 18% des dossiers choisis s’intéressent à la logistique urbaine fluviale. L’Île-de-France a aussi sélectionné 10% de dossiers concentrés sur les nouvelles technologies et plus particulièrement les données et l’analyse des flux de marchandises. Mais le numérique est omniprésent, même lorsqu’il ne constitue pas le cœur du projet. Sans surprise, près d’un quart des projets concernent l’innovation liée au dernier kilomètre. 15% à la mutualisation des flux et 10% à l’intégration de la logistique dans l’aménagement urbain. 5%, enfin, traitent de la cyclologistique et des circuits courts.
La logistique multimodale dopée à la data
Sur la thématique fluviale, la région précise que « les projets portent sur le développement de nouveaux outils logistiques fluviaux, sur la R&D pour la construction de bateaux à motorisations plus propres et adaptées au contexte des nouvelles réglementations, de bateaux dédiés à certains produits, de bateaux-entrepôts flottants, ou encore de caisses mobiles innovantes. » La startup Box2Home, par exemple, qui propose livraison et montage d’objets volumineux pour des groupes comme Ikea ou Le Bon Coin, a obtenu 500 000 euros pour la « mise en place d’un nouveau modèle de livraison urbaine multimodale avec des caisses mobiles connectées ». Sur ce même sujet, la combinaison multimodale du transport fluvial avec les autres services logistiques touche des solutions pour lesquelles data et algorithmes sont indispensables. C’est le cas de Speed Distribution Logistique qui obtient 230 000 euros pour tester une solution combinant la transport de marchandises sur la Seine et par la route, entre Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) et Paris.Coursier Privé obtient, lui, 550 000 euros pour tester des solutions d’acheminement fluvial et de distribution propre de marchandises légères dans Paris et en proche couronne. Deux autres dossiers visent à rendre plus propre la logistique sur les cours d’eau franciliens. Ainsi, Fludis est retenu pour développer une solution fluviale de stockage déporté de matériaux de construction sur le canal Saint-Denis. Le projet Green Deliriver repose luis sur un pousseur fluvial hybride (biogaz naturel comprimé et électricité) et une barge fluviale logistique connectée.
Fludis sélectionné pour développer une solution fluviale de stockage déporté de matériaux de construction sur le canal Saint-Denis. (Photo Fludis)
Du vélo modulaire et polyvalent à la mutualisation des livraisons à partir de Rungis
Cinq dossiers concernent les « nouvelles organisations de la logistique, économie collaborative et de la fonctionnalité ». L’étonnant concept de vélo modulaire, polyvalent et connecté d’une autre startup, Wello, pour optimiser flux et tournées de cyclologistique reçoit 550 000 euros. Une autre startup, Delivening, est sélectionnée pour son algorithmique d’optimisation du stationnement et de la manutention de la livraison de colis volumineux lors du dernier kilomètre. Bien sûr, pas d’innovation logistique sans drones. Le projet DragonFlyPads en propose l’usage pour la livraison et le contrôle des opérations logistiques sur le marché d’intérêt national de Rungis. Ce dernier démontre d’ailleurs que l’innovation est loin d’être l’apanage des startups. Car c’est bien l’Union des syndicats de grossistes du marché international de Rungis, Unigros, qui obtient 450 000 euros pour mutualiser et optimiser les livraisons de grossistes depuis Rungis vers des destinations proches. Enfin, le Conseil départemental du Val-de-Marne propose d’analyser les flux logistiques et d’installer des solutions décarbonées pour ses services.
Transformer des locaux inoccupés en centres logistiques
Les dossiers de la thématique « équipements et infrastructures logistiques innovants, connectés et adaptés aux nouveaux usages » cherchent à résoudre la question difficile du stockage de marchandises avec les nouvelles tendances de consommation et d’organisation de la logistique. Au programme, l’installation de centres logistiques ou d’entrepôts plus petits, répartis et connectés, ou la réutilisation d’immobilier. Ces projets sont proposés par des acteurs plus imposants que les startups. L’AMI va doter de 500 000 euros le projet Plume du groupe immobilier Novaxia et du prestataire FM Logistics. Ils ont imaginé des modules préfabriqués pour utiliser du foncier vacant de façon transitoire à des fins logistiques. Sogaris reçoit le même montant pour son idée de hub logistique et de service l’Immeuble Inversé, sis dans un ancien parking souterrain rue du Grenier Saint-Lazare à Paris. Sans doute inspiré par l’Hyperloop d’Elon Musk, Vinci Construction crée le système Loop de navettes automatiques circulant dans un réseau d’infrastructures existantes. la ville de Paris veut aménager des aires de livraison connectées dans le 4e arrondissement (projet Parkunload). Stockage Plus veut lui, des sites Urban Hub pour optimiser les livraisons du dernier kilomètre avec des véhicules propres. Enfin, la startup Jestocke.com peut désormais compter sur 465 000 euros d’aide pour ses centres de stockage urbains connectés dans des locaux vacants de bailleurs sociaux.
Exploiter les données des images satellites HD ou du bornage des cartes SIM
Côté datas, le dossier Epleï du Cnes, de Vedecom et de Matrice.io concerne la qualification et l’analyse détaillée de sites logistiques à distance à partir d’images satellites HD, ce qui lui vaut une subvention de 365 000 euros. 82 000 euros seulement pour Orange et son analyse par l’IA des données de bornage de cartes SIM (Visu Trafic) pour estimer et caractériser les flux logistiques. Le réseau de professionnels Aslog, l’Institut du Commerce et le groupe de prospective des secteurs agricole et agroalimentaire Club Demeter, comptent eux, sur les données logistiques des transporteurs et chargeurs pour identifier des pistes d’actions avec les territoires dans le cadre de Evolue. Dans la même veine prospective, le réseau d’experts Écologie Logistique est doté de 528 000 euros pour sa plate-forme Cyria de traitement des datas de flux logistiques afin de produire des scénarios spécifiques pour les territoires. Côté pratique, les sociétés de conseil Logicités et Mauna Consulting veulent mettre en œuvre la plateforme Bac IDF centralisant les arrêtés de circulations dans la région. Enfin, la startup Spark Horizon obtient 360 000 euros pour travailler sur un système de suivi en temps réel de la circulation et des besoins en stationnement des véhicules de transport de marchandises.
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