Les marchés publics sont une composante importante du marché IT européen, où historiquement, seuls les plus grands éditeurs de logiciels sont pris en compte par les collectivités territoriales. En conséquence de quoi, les citoyens sont obligés d'utiliser des logiciels compatibles avec les offres de ces éditeurs pour exécuter des tâches administratives telles que leur déclaration de revenus ou le renouvellement d'une carte d'identité.
Alors qu'une partie de la Commission, dirigée par la commissaire Neelie Kroes, exerce de fortes pressions pour ouvrir les marchés publics et mettre un terme à la main mise des éditeurs de logiciels propriétaires, y compris Microsoft, une autre partie de l'exécutif européen, responsable principalement de la passation des marchés informatiques internes, est occupée à mettre en forme les lignes directrices d'un Cadre Commun d'Interopérabilité (CCI). Mais les défenseurs d'une informatique européenne ouverte et interopérable se plaignent du contenu de ce cadre qui a été, selon eux, largement édulcoré en raison du lobbying intense opéré par les éditeurs de logiciels propriétaires, à tel point que, le document final n'aura aucun impact sur le marché.
Le CCI est important, car il servira de base institutionnelle et juridique à toutes les législations nationales indiquant comment les établissements publics devront acheter les services IT. La déclaration faite lundi par les ministres devrait renforcer la position de Neelie Kroes, qui se prépare à publier ce cadre, lors de la discussion parlementaire sur l'agenda numérique de l'Europe, le mois prochain. Les ministres ont «intégré l'innovation et la rentabilité dans l'administration en ligne à travers la promotion systématique des standards ouverts et l'interopérabilité des systèmes ». Une déclaration saluée par Neelie Kroes qui l'a qualifiée d'« étape importante, de décision cruciale pour l'établissement d'un véritable calendrier numérique en Europe ».
Un texte édulcoré face à un lobbying intense
« Nous ne cherchons pas à dicter la conception, l'ampleur et la direction des TIC pour l'avenir. Mais nous sommes déterminés à créer de nouvelles conditions en la matière » souligne la commissaire.  Les acteurs de ce secteur se sont également empressés de saluer cette déclaration. « L'Europe sera mieux servie si elle passe moins de temps à essayer de préserver le statu quo et les pratiques commerciales actuelles, et plus de temps à encourager les nouvelles opportunités et l'innovation, » a déclaré Graham Taylor, directeur général de l'Open Forum Europe (OFE) - un groupe qui compte Google, IBM et Oracle parmi ses membres.
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« Nous espérons que la commissaire Neelie Kroes s'appuiera sur cette déclaration encourageante pour établir son agenda numérique, afin de favoriser des politiques qui feront la promotion de normes ouvertes pour les gouvernements, afin que les citoyens n'aient pas d'obstacles artificiels pour accéder à l'information, » a déclaré Thomas Vinje, avocat et porte-parole de l'ECIS (European Committee for Interoperable Systems), un adversaire de Microsoft dans les questions antitrust européennes au niveau de l'entreprise.
Pendant ce temps, la Business Software Alliance (BSA), un groupe qui compte Microsoft parmi ses membres, s'est également félicité de la déclaration des ministres européens. Francisco Mingorance, chargé des relations avec les gouvernements, a qualifié, dans un communiqué, cette déclaration de « bien équilibrée », ajoutant qu'elle « se plaçait au-dessus de l'idéologie stérile du passé qui oppose les logiciels et les services propriétaires et Open Source ». Il s'est également réjouit du fait que « la déclaration reconnait les nouveaux paradigmes dans le secteur de la technologie.» Il faut dire que la BSA a exercé de fortes pressions pour minimiser la portée des références à des normes ouvertes et à l'interopérabilité dans le document du CCI. Son lobbying a donc été fructueux. Par exemple, un document préliminaire au CCI indiquait l'an dernier que l'ouverture du marché des logiciels aux services gouvernementaux « conduirait à des gains considérables en efficacité. » La nouvelle version, rédigée en mars de cette année, pose cette fois que l'ouverture « peut conduire à des gains d'efficacité, en tenant dûment compte de la couverture des besoins fonctionnels, à la maturité et au soutien du marché. » Les premières versions de la CCI datant de 2008 appelaient largement à des standards ouverts dans les marchés publics. Aucune des copies récentes ne fait état de cette large couverture.
De semblables efforts de lobbying sont en cours à propos de l'ordre du jour du très attendu calendrier numérique que Neelie Kroes doit rendre public fin mai. L'OFE espère que l'approche défendue par Neelie Kroes et approuvée lundi par les ministres européens des télécommunications et des technologies de l'informatique l'emportera, mais il a ajouté que « ce n'est pas certain ». La déclaration, appelée Déclaration de Grenade du nom de la ville espagnole où les ministres ont tenu leur réunion, a été finalement approuvée par vidéo-conférence suite à l'interruption des moyens de transport en raison de la présence de cendres volcaniques dans l'atmosphère. En plus d'appeler à des normes ouvertes en matière de marchés publics, la déclaration demande également de plus grands efforts pour rendre l'Internet plus rapide en Europe, un renforcement des normes en matière de protection et de confidentialité des données pour accroître la confiance et la sécurité en ligne, afin d'éliminer les obstacles au commerce électronique entre l'UE et les États membres.
L'Europe milite pour des standards ouverts dans les marchés publics
Les ministres européens des télécommunications et des technologies de l'informatique ont appelé lundi à l'introduction de normes ouvertes et à l'interopérabilité dans les marchés publics de l'informatique, à la grande satisfaction des industriels. Cet appel, qui fait partie d'une déclaration plus large sur le calendrier numérique de l'Europe, intervient alors que la Commission européenne élabore, sous la pression, un cadre spécifique en la matière.