Cela fait maintenant de longues années que l'Etat entretient une histoire d'amour avec l'open source. Parmi les déclarations marquantes de ces dernières années, on retiendra notamment celle faite en 2012 par le Premier Ministre de l'époque Jean-Marc Ayrault, avec la circulaire portant son nom. L'engagement au plus haut niveau de l'Etat envers les technologies ouvertes s'est poursuivi cette année avec l'annonce d'un financement, validé par Manuel Valls, d'un programme R&D entrant dans la sacro-sainte catégorie des « projets structurants pour la compétitivité ».
Poussé par un consortium réunissant la SSLL Linagora, Nexedi (ERP open source), Xwiki (collaboratif open source) ainsi que le laboratoire informatique de Polytechnique et Loria (le laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications dépendant de l'Inria), ce programme doit permettre à terme de donner naissance à l'OpenPaaS. De quoi s'agit-il ? D'une plateforme globale de travail collaboratif pouvant facilement entrer dans la catégorie des ENT (Environnement Numérique de Travail) dont les deux principales caractéristiques sont de miser autant sur l'open source que sur le cloud.
HTML5 et Nod.js au cœur d’OpenPaaS
« Notre objectif est de fournir une plateforme permettant de mettre en oeuvre des services outillés de collaboration que ce soit aussi bien de messagerie instantanée, partage de fichiers, vidéoconférence et de réseau social d'entreprise », nous a indiqué Alexandre Zapolsky, PDG et fondateur de Linagora. « Open PaaS s'appuie sur les derniers paradigmes de développement web HTML 5 et Node.js et bénéfice d'une réécriture complète de code ». A terme, Linagora prévoit de proposer une offre hébergée sur ses serveurs, mais pourra aussi être installé en cloud privé dans les datacenters de ses clients.
La V1 d’OpenPaaS, plateforme collaborative open source et cloud poussée notamment par Linagora, devrait être lancée dans les prochains mois. (crédit : D.R.)
Parmi les points forts d'OpenPaaS, Linagora met notamment en avant son mode pair à pair : « ce mode permet de ne pas gérer de façon centralisée la co-édition de documents consistant en fait à envoyer des images de ces documents sur chaque machine mais qui a une gros point faible technique dans la mesure où l'on ne peut pas dépasser quelques dizaines d'utilisateurs simultanés alors que le mode pair à pair permet d'atteindre des dizaines voire des centaines de milliers d'utilisateurs simultanés », explique Alexandre Zapolski.
Un chiffrement innovant des flux pair à pair
Une prouesse technique certes, même si on peut quand même se demander quel usage pourrait bien en tirer parti, la co-édition sur un document partagé temps réel s'avérant déjà pas si simple avec plus de 5 participants en même temps... « Un autre enjeu est de sécuriser les flux pair à pair avec une technologie de sécurisation différente et surtout beaucoup plus efficace que celle à base de clé publique-clé privée », poursuit le dirigeant de Linagora. En revanche, il faudra se montrer patient, cette dernière ne devant pas pointer le bout de son nez avant deux ou trois ans.
Interrogé sur le positionnement d'OpenPaaS par rapport à d'autres offres collaboratives/RSE du marché comme Oodrive, Dropbox, Google Drive ou encore Microsoft Office 365, Linagora estime qu'aucune comparaison n'est possible. « Tous les outils présents sur le marché manquent d'intelligence et reposent sur le fait qu'une grande partie de l'information des organisations repose sur les utilisateurs, or la principale valeur des informations provient des mécanismes de recommandation et de suggestion qui aujourd'hui trop limitées », fait savoir Alexandre Zapolski. Outre la sécurité, le pair à pair et les mécanismes de recommandation et de suggestion « 2.0 », la SSLL indique également qu'OpenPaaS mise sur la mise à disposition d'API afin de permettre à des tiers de développer des applications métiers basées sur ses services. Peu de détails ont cependant filtré sur leur nature.
L’Etat jouera-t-il la carte de l’opportunité ?
L'annonce d'OpenPaaS semble en tout cas tomber à pic pour l'Etat qui pourrait trouver dans cette plateforme collaborative cloud open source matinée de réseau social d'entreprise, une alternative à celles des offreurs américains dont Google et Microsoft, et trouver un bon moyen d’échapper aux yeux de la NSA, ou en tout cas lui compliquer la tâche.
Par ailleurs, on notera qu’en ce moment Microsoft n'est d'ailleurs pas vraiment en odeur de sainteté à la Disic, direction interministérielle des SI et de communication de l'Etat. La fusion à l'automne de cette dernière avec Etalab et le secrétariat général de la modernisation de l'action publique, serait en cours au sein d'une nouvelle entité baptisée Dinsic, qui pourrait être pilotée par Henri Verdier, actuel directeur d'Etalab et pressenti pour devenir le prochain DSI de l'Etat succédant à Jacques Marzin. Cette direction n'a pas manqué de pointer du doigt dans la dernière version de travail de son référentiel général d'interopérabilité (RGI), le fait pour les tous les pouvoirs publics (ministères, administrations, collectivités territoriales...) de privilégier le format ODF (Open Document Format) plutôt qu'Open XML, poussé par Microsoft.
En 2014, Linagora a réalisé un chiffre d'affaires de près d'11 millions d'euros et compte parmi ses clients un gros portefeuille de références dans le secteur public dont le ministère des Finances, de l'Intérieur, de l'Agriculture...