A l’occasion de la deuxième édition de la conférence « l’Etat dans le nuage », la direction interministérielle du numérique a fait un point sur l’usage du cloud au sein de l’administration. Il faut dire que les choses ont un peu bougé depuis l’annonce de la doctrine « Cloud au centre » en mai 2021 avec une circulaire de juin 2023 pour préciser cette stratégie sur les données sensibles et le recours aux offres SecNumCloud. Avec ce cadre fixé, l’Etat est devenu de plus en plus consommateur de services cloud, rapporte Vincent Coudrin, Cloud Transformation Policy Officer à la Dinum.
Dans une présentation, les chiffres UGAP (centrale d’achat du secteur public) montrent des commandes à hauteur de 76 M€ pour 2023. « Il s’agit d’une très forte croissance de plus de 70% en 2023 et la tendance pour 2024 table sur une croissance aussi soutenue », explique Vincent Coudrin. Il en profite au passage pour lancer une pique aux fournisseurs qui se lamentent de la faiblesse de la commande publique, « c’est un problème avec vos commerciaux, pas avec l’Etat ». Même si la demande est au rendez-vous, elle doit gagner en maturité, « en Angleterre, le montant des commandes est de 100 M£ par trimestre », observe-t-il avant d’ajouter qu’actuellement, il y a un projet par jour dans le cloud. Par ailleurs, il précise que certains acteurs nationaux sont en cours de qualification SecNumCloud comme Free Pro, Whaller, Cegedim.cloud, Index Education...
La consommation de cloud commercial progresse fortement après la publication de la doctrine cloud au centre. (Crédit Photo : JC)
Un cloud de confiance unique en Allemagne
Et de comparaison européenne, il en a été question avec la présence de Christine Serrette, directrice technique adjointe du Centre fédéral de technologie de l’information en Allemagne (ITZBund). Elle a ainsi montré les limites d’un régime fédéral où la DSI de l’Etat doit composer avec une nébuleuse de décideurs (Länder, villes, etc.) qu’elle résume par la phrase « où est Charlie ? » Nonobstant, en matière de cloud, la responsable est pragmatique, « il faut éviter le chaos cloud ». La stratégie s’est donc faite en fonction de la sensibilité des données avec une approche multicloud (nommée Bundescloud 2.0) combinant du cloud interne (ministère des finances et ministère de l’Intérieur) et du cloud de confiance.
Une approche multicloud avec un cloud de confiance unique. (Crédit Photo : JC)
A la différence de la France où les offres de cloud de confiance sont fragmentées, l’Allemagne a fait le choix de miser sur un acteur : Delos. Ce projet associe SAP, Arvato et Microsoft pour fournir les services de la firme de Redmond dont Microsoft 365. « Cela ressemble à l’initiative Bleu en France [NDLR : dirigé par Orange et CapGemini] et il y a beaucoup d’attentes de la part des agents pour utiliser ces services », constate Christine Serrette. La ligne rouge pour elle reste « la protection des données des citoyens et citoyennes allemandes » et une attention toute particulière doit être apportée sur les contrats avec les fournisseurs.
Des aides européennes qui se débloquent
Sur le plan européen, le développement d’offres cloud passe par la mise en place de plusieurs programmes communautaires avec à la clé des aides et des subventions, rappelle Adrien Laroche coordinateur de la stratégie cloud France 2030. Il évoque notamment le PIIEC Cloud Mais le programme a pris du retard (lancement en 2021 et validation en décembre 2023) et le nombre de projets initialement de 56 s’est réduit à 19 initiatives retenus pour un montant de 1,2 milliard d’euros.
Il pousse par ailleurs le programme d’accompagnement des start-ups pour obtenir le label SecNumCloud de l’Anssi. « 21 start-ups ont été accompagnés lors d’une première relève à hauteur de 3,7 M€, le projet est reconduit pour une deuxième relève avec le même budget et les lauréats seront prochainement annoncés », glisse le responsable. Il rappelle au passage l’existence d’un appel à projet (AMI) sur le développement d’une suite bureautique souveraine. Parmi les prétendants, Jamespot avec CollabNext doit présenter prochainement une première version de son produit, nous a assuré Alain Garnier, président et co-fondateur de Jamespot. Les choses avancent donc lentement, mais elles avancent dans un marché européen du cloud de plus en plus préemptés par les acteurs américains. Il est même trop tard, reconnait Christine Serette, « il serait naïf de penser que nous pouvons construire notre futur sans les hyperscalers américains ». La réalité montre qu'effectivement cela semble difficile.