Avec son prototype de supercalculateur construit autour de processeurs ARM quad-core, le Centro nacional de Supercomputación (CNS) espagnol, également connu sous le nom de Barcelona Supercomputing Center (BSC), veut apporter l'efficacité énergétique aux systèmes haute performance. Le serveur en question, conçu pour traiter des charges de travail complexes, intégrera des processeurs Nvidia Tegra 3 quad-core à 1,4  GHz (nom de code Kal-El), des puces d'abord destinées aux smartphones et tablettes, et livrées par le fondeur au début novembre. Les 1 000 processeurs Tegra 3 seront jumelés avec de circuits  graphiques Nvidia (architecture CUDA), pour accélérer les calculs scientifiques et mathématiques.
Le système pourrait offrir à ARM une porte d'entrée dans le marché de l'informatique haute performance, actuellement dominé par des concurrents comme Intel, AMD, IBM et Oracle. Si aujourd'hui on trouve des processeurs ARM dans la plupart des smartphones et tablettes, ceux-ci sont pratiquement absents du marché du serveur. Cependant, l'intérêt d'utiliser des puces ARM dans des serveurs ne cesse de croître : « ces processeurs offres des performances élevées et permettent de surmonter les contraintes énergétiques, » comme l'a déclaré Steve Scott, Chief Technology Officer de la division Tesla chez Nvidia. « Nous sommes très intéressés par l'entrée de ARM dans l'écosystème HPC, » a ajouté le CTO.
Un prototype censé concourir dans le Green500 seulement
« Le prototype de supercalculateur Tegra 3 ne délivrera pas les performances pétaflopiques de certains ordinateurs, parmi les plus rapides au monde, » a expliqué Steve Scott. Mais celui-ci pourrait entre dans la liste Green500, qui établit le classement des supercalculateurs les plus éco-énergétiques du monde. Nvidia n'a pas communiqué de chiffres sur les performances de la machine, ni indiqué le nombre de processeurs graphiques présents dans le supercomputer Tegra 3. Mais, « l'association de milliers de coeurs ARM avec des GPU permettra d'effectuer des calculs scientifiques complexes, tout en réduisant la consommation d'énergie et les coûts, » a précisé le CTO de Nvidia. Le BSC dispose déjà d'un serveur prototype ARM équipé de 256 puces Tegra 2 double coeur.
Grâce au processeur ARM, Nvidia élargit ses compétences dans le domaine des supercalculateurs, essentiellement concentrées autour de ses processeurs graphiques Tesla, utilisés dans des supercalculateurs pour effectuer des calculs complexes. Le supercalculateur que construit le laboratoire national d'Oak Ridge va coupler un GPU Tesla avec des CPU 16-core Opteron d'AMD pour une performance de 20 pétaflops. Il sera plus rapide que le K japonais, qui délivre une performance de 8 pétaflops et détient actuellement le titre d'ordinateur le plus rapide au monde, selon le classement établi par le Top500 au mois de juin.
Les initiatives serveur se multiplient autour d'ARM
Nvidia a également rejoint un petit groupe d'entreprises qui s'intéressent aux processeurs ARM comme alternative aux processeurs x86 d'Intel et d'AMD. Début novembre, Hewlett-Packard a annoncé qu'elle travaillait à la construction d'un serveur autour d'une puce de Calxeda qui intègre un processeur ARM quatre coeurs consomme à peine 1,5 watts. Si les processeurs ARM ne font pas faire le poids en terme de performances brutes avec des serveurs x86, les analystes pensent que l'agrégation de milliers de processeurs ARM pourrait offrir de meilleures performances par watt pour des charges de travail légères et demandant beaucoup de fluidité, comme le traitement de transactions volumineuses sur Internet.
Le prototype sur base Tegra fait parti d'un plan de développement, en grande partie financé par la Commission européenne, qui vise à faire montrer que des systèmes, capables d'offrir les performances de l'Exascale, consomment 15 à 30 fois moins d'énergie que les serveurs actuels. Le prototype Tegra 3 du BNS doit encore obtenir une validation finale, bien qu'il ait déjà été utilisé pour le développement de logiciels. Les spécifications du nouveau système seront établies l'année prochaine. Ce projet, appelé Mont-Blanc, est coordonné par le Barcelona Supercomputing Center et dispose d'un budget de plus de 14 millions d'euros.
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Mais, comme tout nouveau venu sur le marché des serveurs, ARM a de nombreux défis à relever. En particulier, la plupart des logiciels serveur existants sont conçus pour tourner sur des puces x86, et il faudrait donc réécrire l'ensemble de ces logiciels pour leur permettre de fonctionner sur processeurs ARM. Ces derniers manquent aussi de fonctions de corrections d'erreurs et offrent un adressage 32 bits, ce qui limite le plafond de la mémoire à 4 Go. Malgré ces difficultés, Nvidia devait bien commencer quelque part. L'entreprise a choisi d'affirmer sa position de leader en mettant en avant les processeurs ARM dans les serveurs et supercalculateurs. « Ça ne va pas arriver du jour au lendemain, » a déclaré Steve Scott. « Cela va demander un certain nombre d'années. »
En attendant, Nvidia met au point un autre processeur sur base d'ARM, nom de code Project Denver, destiné aux smartphones, tablettes, PC et supercalculateurs. « Il n'est pas impossible que Nvidia intègre des coeurs ARM dans les produits Tesla à long terme, » a indiqué le CTO. « Nous allons considérer cette option et l'intégrer au bon moment », a ajouté Steve Scott. Récemment, ARM a également annoncé une architecture 64-bit, qui comporte de nombreuses fonctionnalités spécifiques au serveur. Cela va permettre à ARM de franchir une étape clé et rendre sa présence effective sur le marché du HPC. « Pour bien faire les choses, il faut une architecture 64 bits dans ce domaine, » a déclaré Steve Scott.