En fin d'après-midi, l’Assemblée nationale s’est massivement prononcée en faveur du projet de loi relatif au renseignement, qui a suscité de vifs débats ces dernières semaines en raison de son caractère liberticide (cf « 2015, la France rattrapée par Big Brother Cazeneuve »). Dans l’Hémicycle, 438 députés ont voté pour ce 5 mai 2015, tandis que 86 se sont exprimés contre et que 42 se sont abstenus (analyse du scrutin). Le texte va être maintenant examiné par le Sénat, puis par le Conseil constitutionnel saisi par 75 députés.
Arguant de la nécessité d’avoir un cadre légal cohérent pour encadrer les activités des services de renseignement et assurer la sécurité du territoire, notamment contre les menaces terroristes, le Gouvernement souhaite avec ce texte renforcer les moyens d’action des services spécialisés. Le projet de loi porte sur les procédures d’autorisation de mise en oeuvre des techniques permettant de recueillir des renseignements, par exemple en accédant aux données de connexion « des citoyens » lors « des interceptions de sécurité ». Elle aborde ainsi les conditions de recours à des appareils « permettant la localisation, la sonorisation de lieux et de véhicules et la captation d’images et de données informatiques ».
Une adoption qui soulève de nombreuses critiques
Critiqué par des représentants de la société civile, ce projet de loi a également été décrié par les professionnels du numérique. En mars, l’Afdel, l’association française des éditeurs de logiciels et solutions Internet, s’est par exemple inquiété « du flou qui entoure les nouveaux dispositifs visant une systématisation des technologies d’interception », à la suite de la réunion organisée par Matignon avec les organisations professionnelles.
Aujourd'hui, à l'issue du résultat du vote, la Quadrature du Net s'est indigné dans un communiqué que les députés donne ainsi au Premier Ministre le pouvoir de surveiller massivement et sans contrôle la population française. L’organisation de défense des droits et libertés des citoyens condamne cet abandon des principes démocratiques et appelle les sénateurs « à contrer ce vote inadmissible ».
Le groupe de réflexion Renaissance Numérique rappelle lui aussi son opposition à « une loi qui instaure pour la première fois en France une surveillance algorithmique et généralisée », sans avoir pris le temps d’établir un débat citoyen. Dans un communiqué également diffusé en soirée, il livre dans une note adressée aux décideurs politiques trois pistes pour renforcer les pouvoirs de la future CNCTR (Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement) que le projet de loi prévoit de mettre en place. Il suggère que cette commission ait un pouvoir de décision et qu’elle ne soit pas uniquement consultative, notamment sur les nouveaux dispositifs de surveillance. Le think tank propose qu'elle soit composée de datascientists, qui comprennent les technologies mises en place par les services de renseignement, « mais aussi d’universitaires experts des phénomènes terroristes sur Internet » et de représentants de la société civile. Enfin, elle plaide pour une CNCTR qui rende compte de son activité aux citoyens.