Il y a quelques mois, IBM France annonçait pour 2016 la version française de sa plateforme cognitive Watson. Nicolas Sekkaki, DG de la filiale, expliquait alors que cette adaptation se préparait avec la collaboration d’entreprises françaises souhaitant utiliser cette technologie avec la terminologie utilisée dans leur secteur d’activité, en conformité avec certaines de leurs contraintes réglementaires, dans la banque ou dans la santé, en particulier. Parmi ces entreprises figure notamment Crédit Mutuel CIC. Dans le monde, la technologie d’IBM, qui permet de comprendre le langage naturel pour répondre à des questions dans une infinité de domaines, est déjà utilisée par Bank of Singapour où elle aide les conseillers financiers à déterminer quels clients relancer en priorité. Des applications concrètes de ce type se précisent au Crédit Mutuel CIC où les salariés sont sollicités pour « alimenter Watson » avec les questions que se posent les chargés de clientèle, afin d'entraîner les assistants virtuels qui pourront ensuite répondre aux clients. Des pilotes devraient être mis en place dès cet été. Mais le recours à Watson suscite des interrogations et des inquiétudes parmi les collaborateurs de la banque, ainsi que le montre le bulletin de mars des représentants syndicaux Force Ouvrière du groupe, en particulier sur les suppressions d’emplois que pourrait entraîner cette technologie cognitive, que l’on ne peut toutefois pas encore qualifier « d’intelligence artificielle » pour l’instant. L'ironie de la situation conduit ainsi les salariés à entraîner le système qui pourrait conduire à supprimer leurs emplois. Au-delà du Crédit Mutuel, ce projet inquiète aussi les collaborateurs d'autres banques, par exemple au Crédit Agricole, comme le laissent apparaître les échanges du site FO CA Nord de France de l'établissement.
20 M€ investis en 2016
Dans leur bulletin, les représentants FO du Crédit Mutuel indiquent que l’investissement financier pour développer le projet Watson dépassera les 20 millions d’euros en 2016. Les premiers développements de la technologie réalisés par la filiale informatique du groupe, Euro Information, portent sur l’analyse des emails. Le pilote est prévu pour cet été et le déploiement se fera progressivement dès octobre 2016, note FO. Watson lit le contenu des mails entrants des clients pour identifier les intentions et le niveau d’urgence afin d’optimiser le traitement, permet de déléguer des demandes simples et de proposer au conseiller des modèles de réponses pré-formatées, détaille le bulletin. Parallèlement, la technologie sera utilisée comme assistant virtuel d’une part sur les questions d’assurance, sur la base de connaissance Pixis, et d’autre part sur l’épargne, avec des pilotes respectivement prévus pour cet été et pour fin 2016. Les commerciaux du réseau pourraient figurer parmi les premiers impactés, ainsi que Gestel pour l'assistant virtuel assurance.
Plusieurs centaines de millions d'euros sur les années à venir
Au Crédit Mutuel, les représentants du personnel s’inquiètent de savoir jusqu’où leurs dirigeants vont aller. Ils évoquent par exemple un système de relation client en ligne qui répondrait par tchat ou par téléphone aux clients et pointent les prévisions d’un universitaire américain estimant que « l’intelligence artificielle pourrait plonger plus de 50% de la population mondiale au chômage au cours des 30 prochaines années ». Ils rappellent aussi les mises en garde à ce sujet du scientifique britannique Stephen Hawking en 2014 : « Réussir à créer une intelligence artificielle serait le plus grand événement dans l’histoire de l’homme. Mais ce pourrait aussi être le dernier », indiquait-il.
Sur les années à venir, le président du groupe Crédit Mutuel Michel Lucas estimerait l’effort financier « à plusieurs centaines de millions d’euros », précise le communiqué syndical qui indique aussi que la banque en ligne Boursorama et l’AP-HP figurent parmi les autres entreprises travaillant en partenariat avec IBM France.