On aurait pu croire à une scène issue d’un polar américain, mais non il s’agit bien d’un cas réel. Une cour d’appel du New Jersey a statué qu’un homme accusé de meurtre est en droit d’examiner un logiciel d'analyse génétique afin de contester les preuves présentées contre lui. Cette demande a été faite par les avocats de Corey Pickett, jugé pour une fusillade à Jersey City en 2017. Ils ont souhaité examiner le code source d’un logiciel appelé TrueAllele pour évaluer sa fiabilité. En effet, le logiciel a analysé un échantillon d’ADN récupéré sur une arme utilisée pendant la fusillade. Le test a associé cet ADN à l’accusé.
Le hic est que l’éditeur du logiciel d’analyse d’ADN, Cybergenetics, a consisté lors de procédure en premier instance sur le fait que le code source est couvert par le secret des affaires. Le co-fondateur de la société, Max Perlin, s’est donc opposé à l’examen du code source. Il a précisé que le logiciel était composé de 170 000 lignes de code Matlab et qu’il faudrait 8 ans et demi pour l’analyser à raison de 10 lignes par heure. Dans une volonté d’ouverture, la société a offert à la défense un accès au code à des conditions strictes, définies dans un accord de non-divulgation. En cas de fuite sur les détails du code, une amende de 1 million de dollars était prévue.
D’autres logiciels ADN dans le viseur
La défense a refusé arguant que ce cadre entraverait son évaluation et dissuaderait tout expert d’y participer. Suite à un rejet de sa demande en première instance, la défense a fait appel en plaidant des arguments supplémentaires. Elle a soulevé des problèmes sur d’autres logiciels de tests génétiques comme STRmix et FST (Forensic Statistical Tool). Citant des experts, STRmix comportait 13 erreurs de codage qui affectaient 60 affaires pénales, erreurs qui n'ont été révélées qu'après un examen du code source. De même, une analyse du code de FST a révélé « une fonction secrète était présente, tendant à surestimer la probabilité de culpabilité ». De quoi semer le doute.
Au final, la cour d’appel a accordé à la défense l’accès au code source du logiciel TrueAllele. Elle a indiqué que « sans examiner le code source de son logiciel - un ensemble d'instructions réalisées par l'homme qui peut contenir des erreurs et des défauts - dans le contexte d'un système contradictoire, on ne pourrait pas conclure de manière réaliste qu'il met en œuvre correctement la science sous-jacente ». Une décision qui satisfait Kit Walsh, avocat de l’Electronic Frontier Foundation : « personne ne doit être emprisonné ou exécuté sur la base de preuves secrètes dont la fiabilité ne peut pas être évaluée de manière équitable ».