John Chambers : Cisco n'a pas voulu concurrencer IBM et HP
Lors d'un entretien à nos confrères de Computerworld et d'Inforworld, le PDG de Cisco est revenu sur plusieurs sujets d'actualités et notamment sur la concurrence avec IBM et HP, sur sa vision du cloud et sur les accusations de technologies propriétaires.
Votre objectif de devenir la compagnie numéro un dans l'IT entraîne une présence sur des marchés très différents. Les gens vous connaissent comme société dans les réseaux, mais vous avez également une ambition qui va à l'encontre d'acteurs comme HP et IBM. Ce sont des choses très différentes non ?
Nous sommes un des acteurs les plus importants aussi bien sur le plan de l'architecture réseau, que dans le domaine de la communication au sens large. Et sur ces points, nous travaillons concomitamment sur la technologie et le commercial. La position de leader a été acquise en enregistrant des très bons résultats sur des marchés en phase de croissance. Même les critiques les plus acerbes, peuvent le reconnaître. Il faut également constater que la première génération de nos concurrents comme SynOptics, Wellfleet, 3Com, Cabletron, n'existent plus et la même chose pourrait nous arriver si nous ne nous adaptons pas aux évolutions du marché. De plus, nous sommes des paranoïaques en imaginant que nous pourrions être à la traîne.
Enfin, quand nous avons commencé dans le marché des fournisseurs de services, plusieurs personnes nous ont indiqué notre absence de compréhension des acteurs. La légitimité était du côté de nos concurrents, Nortel, Lucent, Alcatel, Siemens, Ericsson. Nous avons donc pensé comment devenir numéro un sur ce marché et maintenant, nous le sommes. Pour ce faire, la direction prise reposait sur l'architecture à la différence de nos concurrents. Lors du dernier Mobile World Congress à Barcelone, si vous posiez la question quel est votre partenaire le plus efficace en matière d'architecture et pour la distribution des services, nous sommes cités dans la majorité des cas. Une chose impensable il y a encore 5 ou 6 ans.
Dans le domaine des datacenters, je n'ai pas voulu entrer en concurrence avec IBM et HP. J'aurais préféré établir un partenariat avec les deux. Mais nous avons décidé, il y a 5 ans maintenant, d'aller vers la virtualisation, et les partenariats envisagés, entraînaient un trop grand partage de notre technologie. Cela revêtait une importance stratégique pour nous, car la question n'est pas de transformer le marché. Je ne m'intéresse pas aux serveurs, je regarde la virtualisation, où vous devez savoir où sont les processeurs, où les informations sont stockées et où résident les applications. Le réseau devient une commodité. Nous avons donc suivi les attentes du marché en nous concentrant sur cette transition et non sur nos concurrents.
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Quel est votre position sur le cloud et pourquoi certaines grandes compagnies n'y vont pas ?
Il ne s'agit pas simplement de la question d'y aller. La problématique repose sur la virtualisation et sur le rôle que va jouer le réseau dans tout cela. Nous pensons que le réseau est une pièce centrale et non le datacenter ou le terminal de l'utilisateur final. Il existe plusieurs dispositifs pour recevoir tout type de contenu aussi bien à travers des réseaux sans fils ou filaires à la maison, sur un smartphone Apple, Microsoft ou IBM.
De plus, le marché ne se fait plus sur la voix, ni sur la donnée, mais sur la vidéo. Maintenant, nous pouvons dire que c'est une grande période. Mais souvenez-vous, nous avions expliqué il y a quelque temps que la vision devait être globale, voix, vidéo et données. Cette décision a été prise il y a 15 ans et nous avons commencé à construire nos architectures dans cette optique.
Comment voyez-vous le déploiement des offres de clouds publics et privés au sein des entreprises ? Peut-on les fédérer ?
La perspective sur les clouds privés et publics au sein de l'entreprise doit aboutir in fine à un système de confédération, complétement transparent pour les utilisateurs finaux, les responsables informatiques et autres. Le réseau est au coeur de tout cela. C'est notre démarche quand nous développons des partenariats avec VMware ou EMC et encore plus récemment avec NetApp, en réfléchissant sur des standards ouverts sur ce type de sujet.
Nos meilleurs partenaires dans le cloud seront les fournisseurs de services, car ils devront faire vivre leurs tuyaux et éviter que leur réseau ne soit qu'une commodité. La valeur reviendrait alors aux sociétés périphériques ou aux créateurs de contenus. Il me semble que nous avons une opportunité commune.
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Quel sera le plus grand marché au sein des clouds ?
Dans un premier temps le marché le plus important sera représenté par le cloud public. Sur le long terme, le privé et la combinaison de ce que l'on appelle la fédération des clouds. Nonobstant, nous développons nos propres clouds et nous nous interfacerons avec d'autres.
Vos concurrents mettent en avant que vos solutions sont propriétaires, que répondez-vous ?
Les premiers contrats contenaient beaucoup de technologies propriétaires. Nous sommes maintenant devenus une société avec des standards ouverts. Internet est ouvert à tous les terminaux et contenus. Quand nous avons intégré le marché de la téléprésence, nous disposions d'une forte part de marché sur le haut de gamme (64%). Nous avons proposé une norme ouverte et disponible pour l'ensemble des concurrents. A ce que je sache, nous n'avons pas de système d'exploitation propriétaire qui fonctionne sur nos produits. Internet doit être l'interface unique sur des différents terminaux. Cela nous permet d'aller plus vite sur le marché et de protèger nos clients qui ne seront pas bloqués par un OS, un terminal ou un datacenter.
Quelle est votre réaction à la critique de l'existence d'une Cisco Tax ?
Ce n'est pas très honnête de dire cela. Les clients n'ont pas de problème avec notre politique premium, car si vous ne faites pas ce type de produit, vous ne développez pas de nouveaux produits et ne protégez donc pas les investissements.
Est-ce que je crois à la mise en place d'une consolidation industrielle rapide ? Absolument. Est-ce que je crois qu'une part de vos prises de décisions décisives est basée sur notre capacité à innover, à nous adapter au sein d'un marché en pleine évolution à travers des produits qui travaillent ensemble, dans une architecture ouverte ? Oui. Est-ce que les clients doivent payer un tarif premium pour cela ? Oui. Même si je soutiens qu'il ne s'agit pas d'une tarification premium.