Après avoir travaillé chez Procter & Gamble, HPE et DHL, Jaime González-Peralta a posé ses valises chez Radisson Hotel Group il y a quatre ans en tant que DSI pour la région EMEA, avant de devenir le DSI du groupe en avril 2020 - un moment particulièrement complexe pour le groupe hôtelier en raison de la paralysie que la pandémie a infligée au secteur du tourisme.
Au cours de cette période, grâce à la période de réflexion que la crise sanitaire a offerte et au temps que l'organisation a pu consacrer à l'innovation, Jaime González-Peralta a amorcé un virage plus marqué vers la technologie et le digital, afin d'accompagner le plan de transformation que la multinationale avait entamé peu avant son arrivée. Aujourd'hui, assure-t-il, plus de 90 % des initiatives commerciales de l'entreprise sont rendues possibles grâce à la technologie issue de la DSI.
Après avoir dirigé l'informatique de Radisson Hotel Group à l'échelle mondiale pendant plus de trois ans, quelles vous paraissent être les principales étapes que vous avez franchies ?
Jaime González-Peralta : Lorsque j'ai rejoint le groupe en juin 2019, il y avait deux centres de décision : les Amériques et le reste du monde. Ces deux pôles collaboraient entre eux. Mais, avant la pandémie, au premier trimestre 2020, je suis devenu DSI pour le groupe dans son ensemble et j'ai réuni les deux organisations. En mars, la pandémie a frappé et l'activité hôtelière s'est arrêtée, mais cela nous a donné l'occasion d'accélérer le processus de transformation et de numérisation de l'entreprise, processus qui avait débuté en 2018 avec un plan quinquennal. Auparavant, l'IT de Radisson était considérée comme un centre de coûts ; grâce à ce plan, elle est devenue un pilier central de la stratégie du groupe.
Ensuite, pendant la pandémie, nous avons complètement restructuré ou créé les composants informatiques dont l'entreprise avait besoin : un nouvel ERP, des systèmes pour les achats, pour la gestion hôtelière et pour les ressources humaines, par exemple. Nous avons fermé trois de nos datacenters et nous nous sommes entièrement tournés vers le cloud avec plusieurs fournisseurs. Nous avons également élaboré une nouvelle stratégie data pour restructurer complètement l'entreprise, de la sécurité, à la finance en passant par la relation avec les hôtes (hospitality) ou par un nouveau site web. Nous avons tout refait à partir de zéro.
Notre propriétaire, Jinjiang International, nous a fixé un objectif très clair : passer de systèmes créés dans les années 80 et difficiles à maintenir à des systèmes modernes. En huit mois seulement, nous avons réussi à migrer 80 % de nos plates-formes sur des technologies actuelles.
D'un point de vue organisationnel, nous avons évolué vers un modèle nearshore, en attirant les talents nécessaires au déploiement de ces nouvelles technologies. Et nous l'avons fait non seulement pour être plus proches des opérations, mais aussi pour tirer parti du potentiel que l'Espagne offre en matière de capital humain dans le secteur du tourisme. Plus de la moitié de l'organisation IT a rejoint l'entreprise en 2020, nous avons donc dû construire un avion en plein vol.
Sur quels principes avez-vous reconstruit toutes les équipes informatiques ?
Nous avons adopté un modèle onshore et créé un centre d'excellence à Madrid où nous gérons toutes les opérations et dirigeons tous les projets pour le monde entier. Ce centre compte 350 professionnels de plus de 40 nationalités différentes. Mais il ne se compose pas uniquement de professionnels de l'informatique, mais aussi de personnes travaillant dans les domaines des achats, des ressources humaines, de la finance, de l'architecture et de la gestion des revenus, par exemple.
Combien de personnes composent la DSI centrale de Radisson ?
Environ 90. Et la question qui se pose, c'est pourquoi il n'y a que 90 personnes pour gérer plus de 1 000 hôtels dans le monde. Tout simplement parce que nous avons également profité de tous ces changements pour rehausser notre niveau d'externalisation. Nous avons mené ce chantier avec l'équipe d'EY, qui a joué un rôle clé dans ce processus.
Votre plan de transformation couvre la période 2018-2023. Quel a été l'investissement global dans les technologies de l'information et quelle est la prochaine étape maintenant que ce plan est arrivé à son terme ?
Je ne peux pas révéler les détails de l'investissement, mais il a été substantiel. Nous entamons déjà le prochain plan pour faire évoluer les systèmes de gestion des revenus afin d'atteindre le niveau de sophistication que nous recherchons grâce au Machine Learning.
Traditionnellement, les entreprises du secteur hôtelier se sont concentrées sur la mise en oeuvre de diverses solutions modulaires connectées les unes aux autres. Mais la décision prise par Radisson a été d'utiliser un seul système connecté à une base de données clients unique. Cela a considérablement réduit le niveau d'intégration et de gestion du changement requis, tout en nous permettant d'accroître notre agilité face aux défis que nous rencontrons. En outre, le soutien de l'ensemble de l'entreprise dans cette transformation technologique a été essentiel, car un changement aussi important affecte les personnes, les systèmes et les procédures.
Vous avez évoqué l'élaboration d'une nouvelle stratégie en matière de données pour restructurer l'entreprise. Pourquoi les données sont-elles si importantes dans votre approche ?
J'aime appeler le département informatique, "système de décision basés sur l'information". Notre différenciation ne vient pas de la gestion de solutions fonctionnelles, mais de systèmes qui nous permettent de disposer d'informations pour nous adapter. Expliquer le passé est compliqué, mais il est encore plus compliqué de prédire l'avenir et de savoir exactement quelles actions nous devons entreprendre pour l'influencer. Nous avons 900 personnes qui utilisent des outils de prise de décision basés sur des données entièrement certifiées. Pour nous, c'est fondamental. De plus, nous sommes passés à une exécution basée sur les données. Par exemple, les directeurs d'hôtels et les chefs de service ont tous des tableaux de bord où ils disposent des informations nécessaires pour contrôler et prédire l'avenir et, ainsi, prendre des décisions.
L'une des missions de l'IT est de pousser la technologie au maximum afin que les utilisateurs, tant dans les hôtels que dans les bureaux, puissent libérer une partie de leur temps pour la consacrer à des tâches plus utiles à l'organisation.
L'entrée d'un hôtel Radisson. La technologie a un impact sur les process d'un groupe hôtelier, la relation avec ses clients, mais aussi sur les hôtels eux-mêmes. (Photo : Lyudmila Arslanbekova / unsplash)
Travaillez-vous déjà avec l'IA générative ?
L'un des défis de tout DSI ou de toute entreprise est de rester concentré. Radisson se concentre sur le plan stratégique qui a été établi, ce qui nous rend uniques. Cela dit, un petit groupe au sein de l'entreprise se penche sur l'innovation. Nous avons un comité d'innovation composé de représentants des opérations, des finances et de l'informatique, au sein duquel nous explorons les technologies émergentes. Nous n'avons pas peur de les essayer. En fait, notre démarche consiste à les tester rapidement pour échouer ou réussir rapidement. C'est ce qui s'est passé avec la RPA. Nous l'avons testée il y a trois ans, nous avons constaté son utilité et nous avons maintenant une RPA Factory pour l'ensemble de l'entreprise.
En ce qui concerne l'IA, nous restons toutefois prudents. Nous analysons le niveau de maturité et disposons d'un environnement de test privé avec Microsoft pour voir comment nous pouvons en tirer parti à court terme, notamment en termes d'interaction avec les utilisateurs. A l'avenir, nous sommes convaincus que la recherche d'hôtels par les utilisateurs va changer radicalement, non seulement en raison de l'augmentation du volume des recherches, mais aussi de la recherche elle-même, qui sera différente. C'est ce que nous étudions actuellement.
Du point de vue des objectifs de l'entreprise, nous travaillons par période de cinq ans, mais du point de vue de IT, notre horizon est plutôt de trois ans au maximum, idéalement deux. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons prendre des décisions que je ne regretterai pas dans un avenir proche.
Comment voyez-vous l'avenir du monde de l'hôtellerie et du tourisme avec tous ces changements technologiques ?
C'est passionnant. Nous avons des plans de croissance impressionnants grâce à la technologie. Elle nous permet d'aller plus vite, d'être plus efficaces et de réduire le coût du changement ou de la transformation. Nous mettons l'accent sur des systèmes conçus par et pour les utilisateurs, ce qui crée un dialogue constant entre les services informatiques et les métiers.
La technologie a aussi un impact sur ce que sera l'hôtel du futur. Il sera plus intelligent dans sa relation avec les utilisateurs, mais aussi plus efficace en termes d'infrastructure, de consommation d'eau et d'énergie.
Dans notre secteur, nous gérons les émotions et c'est une relation de confiance que les clients veulent établir avec la marque. Si un client se rend sur un site web et ne trouve pas l'information qu'il souhaite, comme il le souhaite, et dans un délai raisonnable, il ira voir la concurrence. Nous investissons donc beaucoup dans la manière dont nous nous présentons au client, en créant des expériences immersives, en améliorant notre site web et notre application, par exemple. Nous voulons proposer, autant que possible, une personnalisation de nos offres aux besoins du client.