Snowflake n'est assurément pas une entreprise française comme les autres. Si une poignée de start-ups tech hexagonales sont parvenues à percer et à s'implanter aux Etats-Unis (Curiosity, Kyriba, Scality...), aucune n'est jusqu'alors parvenue à atteindre avec autant d'éclat le statut de licorne. Valorisée il n'y a pas si longtemps 3,9 milliards de dollars puis 12,4 à l'occasion de sa levée de fonds de 479 millions d'euros en février dernier à laquelle Salesforce a participé, l'entreprise vient complètement de changer d'échelle. Ce mercredi 16 septembre 2020 est en effet une date qui marquera l'histoire de l'IT avec l'entrée en bourse - remarquable et remarquée - au New York Stock Exchange de Snowflake. Pour son premier jour d'introduction, l'éditeur spécialisé dans le datawarehouse cloud a explosé tous les compteurs en parvenant à lever près de 3,36 milliards de dollars pour une action qui a toisé les 245 dollars portant sa valorisation à un sommet proche des 70 milliards de dollars.
« Je vois cela comme une énorme validation pour Snowflake qui va aider à avoir encore plus de crédibilité auprès de nos clients », nous a expliqué Benoit Dageville, co-fondateur et président de Snowflake. « C'est bien que l'IPO soit derrière nous, maintenant il va falloir délivrer, c'est le début d'une aventure ». En changeant de braquet, la start-up française - qui commence à ne plus en être une sur le papier mais qui en a gardé toute l'agilité - a vu arriver à son capital des investisseurs poids-lourds dont Berkshire Hathaway (Warreen Buffet) et Salesforce Ventures. Ce qui n'est pas, naturellement, sans amener une certaine pression. « En tant qu'entreprise publique aux Etats-Unis, il y a beaucoup plus de contrôle financier et on s'y est préparé depuis longtemps », assure Benoit Dageville. « La question de savoir si cela va changer la direction produit : non. L'innovation va continuer et va plutôt accélérer que ralentir ».
Un oeil sur Pandas, pas sur Spark
Historiquement positionné dans le datawarhouse cloud, Snowflake compte bien tirer parti de sa gigantesque levée de fond pour continuer à développer sa plateforme mais pas seulement. « Nous voulons aider les fournisseurs de données à les aider à les mettre dans Snowflake, développer la data marketplace, aider aussi à construire tout un écosystème de services et de données », explique Benoit Dageville. « On va faire un énorme investissement dans les frameworks IA, cela implique de développer des capacités à exécuter et étendre des traitements analytiques qui ne reposent plus que sur SQL ». Ne souhaitant pas utiliser le moteur d'analyse in-memory Spark dans Snowflake pour ne pas « casser la cohésion de la plateforme », la société compte plutôt miser sur un modèle de structuration de données Machine et Deep Learning comme Pandas écrit en Python qu'a aussi choisi par exemple Datafriends spécialisé dans les services autour de l'apprentissage automatique, du web scrapping et de l'automatisation ou encore du nettoyage et de la déduplication de données. « Notre philosophie produit est très intégrée, ce n'est pas de créer plein d'outils déconnectés mais d'avoir une seule plateforme très cohérente », fait savoir Benoit Dageville. « On va travailler sur l'analyse complexe et augmenter les capacités pour stocker les données au-delà des tables et JSON ».
Outre les développements logiciels et R&D (entrepôts de données, datascience, data applications, datalake...), Snowflake compte bien s'appuyer sur sa montagne de fond pour muscler ses effectifs avec des ingénieurs spécialistes du data engineering et de l'IA. « Le frein c'est de récupérer assez de talents pour développer les produits, c'est toujours plus difficile car on ne trouve pas toujours les compétences que l'on veut », prévient Benoit Dageville. « Le but au niveau engineering c'est de doubler les effectifs en un peu plus d'un an ». Difficile toutefois d'en savoir plus sur le nombre de recrutements, le dirigeant ayant botté en touche sur ce sujet. Grâce à son dernier financement, le groupe compte aussi s'étendre à l'international en se développant en Chine. « C'est compliqué, cela va prendre du temps mais on va s'étendre en Asie », indique Benoit Dageville, précisant que Snowflake est par ailleurs déjà installé en Inde et au Japon.
Le vendor locking AWS et Microsoft Azure dans le viseur
Distribuant ses solutions dans 22 régions au niveau mondial, l'éditeur passe par des partenaires cloud au premier rang desquels AWS mais aussi Microsoft Azure. « Au niveau de notre relation avec les cloud providers, on est leur très gros client. On est partenaire mais également concurrent. L'atout de Snowflake c'est d'être le seul système multicloud pour les entreprises qui ne veulent pas être lockés dans une solution, un cloud. Quand on utilise les solutions AWS et Microsoft, il faut utiliser leurs outils qui sont incompatibles avec d'autres alors que Snowflake est agnostique. Ce serait arrogant de dire que ces concurrents ne sont pas importants, on a une grande admiration pour leurs solutions, mais on est convaincu que le monde va bouger vers le compute on demand et l'automanagement et que l'on propose les services les moins complexes à utiliser », conclut Benoit Dageville.