Anticiper les pannes des machines sur une chaîne de fabrication avant qu'elles n'aient un impact sur la production. Pour tout industriel, la question est évidemment centrale, en raison des coûts que génèrent les arrêts imprévus d'une chaîne de production. Dans l'industrie des biens de grande consommation, on estime qu'une heure d'arrêt d'une seule chaîne coûte 15 000 $ en moyenne. Sans oublier les impacts éventuels sur la qualité ou sur les prises de commande. Tout l'enjeu consiste, dans un premier temps, à passer de la maintenance corrective à la maintenance préventive, qui vise à remplacer la pièce concernée avant la défaillance proprement dite
Weibo Gu, architecte solutions chez AWS. (crédit : R.F.)
« Mais il y a mieux : via l'analyse de données, la maintenance prédictive vise à prédire dans combien de temps la panne va se produire et quelle pièce va être concernée, explique Weibo Gu, architecte solutions chez AWS. Ce qui permet d'associer des niveaux de risque à différents types de pannes, donc d'intervenir plus ou moins rapidement en fonction de la criticité du dysfonctionnement à venir ». Cette évolution vers une maintenance de plus en plus pointue passe par la capacité à agréger des données venant des machines, mais aussi des applications existantes (gestion de la maintenance, qualité, MES, ERP...).
Détecter les signes avant-coureurs d'un dysfonctionnement
C'est ce chemin qu'emprunte Idemia, un industriel spécialiste des technologies d'identité, issu du rapprochement en 2017 de Morpho et d'Oberthur Technologies. Le groupe fabrique notamment 900 millions de cartes SIM et 700 millions de cartes bancaires par an dans 6 usines dans le monde (dont une à Vitré, en Ille-et-Vilaine). Des sites fonctionnant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 au sein desquels des cobots (ou robots collaboratifs) déplacent des cartes entre différents segments de la chaîne de production. Des machines - une cinquantaine dans le monde - susceptibles de générer des retards dans la production, en cas de panne. D'où la volonté de l'industriel (2,2 Md€ de chiffre d'affaires en 2021) de détecter les signes avant-coureurs d'un dysfonctionnement sur ces bras articulés pouvant mesurer jusqu'à 2 mètres d'envergure.
« Nous voulions déployer une solution réplicable sur nos six sites, avec une infrastructure et une méthode de déploiement unique », détaille Anthony Barré, le responsable de la donnée du groupe Idemia. Avec une première ambition consistant à monitorer, à distance et en temps réel, le parc de cobots pour détecter des vibrations et des arrêts imprévus afin de générer, par machine learning, des alertes (par SMS ou mails) permettant aux opérateurs de réagir rapidement. « L'objectif est d'augmenter la durée de vie de nos cobots et d'augmenter la qualité sur la chaîne, car les vibrations peuvent produire des erreurs », reprend Anthony Barré.
Le choix de capteurs externes
Conçue pour ces deux scénarios, la solution, co-développée avec AWS, devait aussi être évolutive, pour s'ouvrir à d'autres types de données ou à d'autres applications analytiques. Bâtie sur des services AWS (dont IoT Core et Kinesis), l'application mise au point par les équipes d'Idemia se devait aussi d'être non intrusive par rapport aux systèmes déployés dans l'usine. « Un enjeu majeur dans une usine fabriquant des cartes bancaires », souligne le Chief Data Officer d'Idemia. D'où le choix d'instrumenter les cobots avec des capteurs externes dont les données sont ensuite transférées sur le cloud d'AWS via une passerelle déployée dans chaque usine. « Nous en avons également profité pour rapatrier des données des machines afin d'étudier de futurs cas d'usage », glisse Anthony Barré.
Anthony Barré, Chief Data Officer du groupe Idemia. (crédit : R.F.)
Aujourd'hui déployée dans une usine et en cours de généralisation, la solution permet de suivre les performances des cobots soit à un niveau agrégé, soit site par site, soit cobot par cobot. « Isoler les arrêts anormaux s'est avérée un peu complexe, car le séquencement normal de la production suppose l'arrêt des cobots à certains moments qu'il fallait donc distinguer des arrêts non planifiés », détaille le Chief Data Officer. Pour ce dernier, ce premier projet a permis à l'entreprise de gagner en expertise, « pour approcher de de nouveaux cas d'usage, autour de données de pression ou de température par exemple ». Surtout, en plus de renforcer l'image de marque tournée vers l'innovation que défend Idemia, la solution a permis de réduire les durées d'interruption de fonctionnement des cobots de 5 à 10%. « Nous estimons par ailleurs qua la durée de vie moyenne d'un cobot s'est allongée de 12 ans grâce à cette maintenance centralisée, estime Anthony Barré. Et nous avons gagné en capacité d'analyse, via notre capacité à relier des problèmes de qualité sur nos produits à un certain nombre de causes. »