LMI. Comment avez-vous été amené à rejoindre Saint Maclou et comment la DSI était-elle à l'époque ?
Pascal Wronski. J'ai rejoint Saint Maclou il y a un peu plus de 8 ans maintenant pour une fonction de DSI, même si aujourd'hui la fonction a évolué puisque l'on est passé à une DOSI. En arrivant fin 2011, la DSI était très peu connectée avec les métiers, un peu repliés sur eux-mêmes. Les métiers avaient délégué le SI à la DSI et ça arrangeait pas mal de monde. La DSI était donc très technique. Le challenge que l'on a souhaité porter en mettant en place ce projet de transformation était de mettre en place une DSI business partner, beaucoup plus proche des métiers et plus lisible pour elles, et donner ou redonner le pouvoir du système d'information aux métiers. On a arrêté les projets qui démarraient sans sponsor métier, il a fallu prendre des positions assez fermes avec l'appui de la direction générale bien entendu. On a nommé des interlocuteurs privilégiés pour chaque direction métier en créant des fonctions qui n'existaient pas au sein de la DSI avec des responsables de domaines métier qui n'existaient pas à l'époque et des gens ayant une double compétence 60% métier et 40% IT, avec des gens en capacité de challenger le métier, d'expliquer pourquoi on ne fait pas et comment on fait autrement.
Cette organisation a été le point de départ de nouveaux projets : lesquels ? Où en êtes-vous aujourd'hui ?
Je reviens quelques années en arrière, le système d'information d'il y a 6 ans c'était un SI complètement spécifique reposant sur un AS400 qui avait en moyenne une trentaine d'années avec un projet de remettre à plat tout le SI en commençant par les fondations en termes d'infrastructure d'entreprise. C'est-à-dire poser les processus niveau back office avec la mise en place d'un ERP Dynamics qui se prêtait assez bien à notre business et métier de service de pose de 400 salariés-poseurs. Cela nous a demandé au total 4 ans de projet sans parler de la phase amont d'étude. On a tout rasé et tout reconstruit en fait.
D'autres projets se sont greffés pour apporter cette couche transformation digitale avec les magasins connectés, omnicanal et d'un changement de paradigme de Saint Maclou d'un point de vue technologique ?
Complètement oui car quand vous passez d'un monde AS400 à un ERP avec ce que tout cela peut engendrer en termes de changement, technologique, mais pas que. Ce sont essentiellement dans ce type de projet des changements humains et d'état d'esprit à tous niveaux, IT, métier et top management. Partir de ce socle c'était important et comme je disais à l'époque, on imagine mal construire une maison en commençant par le toit. Parler de transformation digitale avec un socle SI qui était peu fiable avec des gros trous dans la raquette n'était pas envisageable.
Des choix technologiques qui vous ont peut-être conduit vers la virtualisation, la conteneurisation aujourd'hui...
On a aussi dans le cadre de ce projet externalisé notre datacenter. Cela a été un choix important sans dire que j'évacue le sujet. La technologie, la technique reste un sujet important, mais la DSI n'est pas un simple outilleur c'est aussi un apporteur d'affaires. Par exemple on a fait deux projets métiers qui ont été initialisés par la DSI. Le premier sur la mobilité en équipant nos vendeurs d'une tablette pour aller chez le client, un autre sur le CRM opérationnel avec un référentiel client unique et un outil développé en interne le plus accessible possible aux conseillers de ventes qui n'était pas à l'époque technophile pour capter de l'information client, la qualifier avec une vue 360, gérer tous ses points de contacts... Aujourd'hui la deuxième étape du projet c'est l'omnicanalité.
Cette omnicalité passe aussi par la transformation du magasin, web et, mais aussi physique comme la démonstration avec le magasin de Nation, peut-on en savoir un peu plus là-dessus ?
Pour le web, concrètement on remet à plat notre plateforme en passant d'un socle Magento à une architecture APIsée avec différentes solutions. C'est un travail qui aboutit en mars 2020. Ce site a pour vocation à devenir marchand. On a aussi un projet sur la data car aujourd'hui on a une méconnaissance de nos clients. Ceux qui font un achat ou un projet en magasin on les connaît, mais les plus de 7 millions qui viennent sur notre site on ne les connaît pas. On travaille avec une agence pour capter toute cette information de ces clients potentiels et nous donner des éléments pour faire du précision marketing. On part du principe qu'avec ce professionnel on va apprendre des choses, et à moment donné il est prévu qu'elle nous passe la main. La DSI apporte l'accès à la donnée des SI, son savoir-faire en termes de BI sans aller jusqu'au datalake et big data, mais on a une volonté d'apprendre avec cette agence en travaillant sur des cas d'usage.
Et concernant le magasin du futur ?
Il est à Paris Nation. Il a pour objectif, réussi, d'embarquer toute l'offre produits et services de Saint Maclou sur 150m2 là où l'offre habituelle est sur 1 500/2 000m2. C'est un magasin showroom, sans stock, avec une part de digital au travers de la table tactile qui permet d'associer plus de 6 000 produits à des codes RFID, des ambiances de pièces pour mettre le client dans son environnement et pouvoir imaginer son sol, son mur dans cet environnement. On a voulu aussi quelque chose d'équilibré en termes de digital. On est convaincu que la singularité de Saint Maclou c'est l'humain, le conseiller-vendeur. C'est une solution digitale, équilibrée et utile pour le client et le conseiller. L'idée n'est pas de mettre des écrans partout, mais des solutions digitales qui facilitent la vie du vendeur et donne quelque chose de concret aux clients. On a vocation chez Saint Maclou de devenir un acteur sinon le leader en France de la décoration personnalisée par la relation. On doit créer de la valeur par la relation humaine.
En termes de socle technologique, quelle a été votre réflexion ?
Concernant la plateforme web que l'on met en place on a du cloud public AWS. On n'a par contre pas vocation à remplacer immédiatement notre ERP, mais à le faire évoluer. Aujourd'hui on a ce socle, l'enjeu c'est de construire une plateforme globale, ouverte, articulée par des API et des microservices. On est en train d'APIser notre SI en mettant une couche d'API management etc. La DSI doit évoluer, avec l'émergence du cloud, du SaaS, d'aller chercher ces solutions, ces start-ups qui se développent de plus en plus avec des services car la DSI aura de moins en moins vocation à développer. Dans le cadre du projet web, on a des microservices qu'on va chercher avec des start-ups. On veut mettre en place une plateforme globale articulée par ces API et le DSI à un rôle majeur d'identifier ces start-ups en amont pour les intégrer au SI.
Comment avez-vous mesuré la maturité et l'adhésion des utilisateurs ?
On a eu de la chance. Ce projet de refonte du système d'information était demandé par tout le monde. En arrivant, je me rappelle qu'on me demandait : on y va quand ? Aujourd'hui il y a eu une évolution importante, des changements d'organisation, des nouvelles compétences qui sont arrivées au siège dans les équipes magasin on a mis en place Facebook Workplace en interne... Il y a eu un gros travail dans le chantier, du change par la DRH avec un fort développement et investissement sur la formation, la sensibilisation et expliquer le sens de tout cela.
Sur la base de votre expérience, quel conseil donneriez-vous pour faire du DSI un apporteur de valeur ?
L'enjeu c'est de passer à une DSI 3.0. On a eu la DSI vue comme un centre de coûts, une DSI business partner, maintenant l'enjeu c'est d'aller vers une DSI business developper. Il faut être connecté avec les métiers, voire même plus que ça, être intégré à eux, voire, avoir un coup d'avance sur eux. Dans cette optique, il faut prendre le leadrship sur ces actions de transformation digitale et devenir en quelque sorte un incubateur des innovations technologiques.